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nement spirituel. Si le peuple n’avait pas vu qu’il pouvait arriver qu’on ne payât plus de lourds impôts à Rome, si les princes n’avaient pas songé aux biens d’Église, ils auraient cédé moins vite à la voix de Luther. Henry VIII commence par le réfuter vigoureusement, puis il y songe mieux, et prend les grilles d’or qui entouraient la tombe miraculeuse de Thomas Becket — et mainte autre chose encore.

Cependant la voix de Luther était indispensable, car les hommes ne marchent bravement et jusqu’au bout, malgré le danger, vers les objets nécessaires à leurs instincts matériels que si on les leur cache à demi sous un idéal. Il faut de grandes paroles pour qu’ils aient le courage de conquérir le pain, et la liberté qui donne le pain.

Personne plus que Luther n’a eu le sens et le génie de cette liberté. En outre, il parut à son heure, Wicleff et Huss sont venus trop tôt. Le monde n’était pas prêt. L’imprimerie n’avait pas encore rapproché les esprits. Luther a eu pour lui cette force, et puis il a eu : lui-même ! Son énergie indomptable d’abord. Il put hésiter au fond de soi, non dans l’acte ni la parole. Jamais on n’obtint de lui la moindre rétractation, ni un signe de faiblesse. Ce qu’on tenta pour le séduire ou le briser fut vain. Après bien des discours persuasifs, puis menaçants, le légat du Pape lui montre les dangers, les désertions probables, la solitude : « Quel abri as-tu ? Où veux-tu aller ? » — « Sous le ciel ! » répond Luther.

Avec ce courage, il a l’âme large et toute chaude