Page:Bulteau - Un voyage.pdf/203

Cette page a été validée par deux contributeurs.
188
un voyage

juché dans les creux du roc des gnomes, des Kobolds, artificieusement peints et des bêtes nocturnes. — Un hibou entre autres qui me regarde avec une férocité stupide. — Enfin, pour que ce fût poétique tout ensemble, et moderne, iris, roses et arums de papier, habillent les lampes électriques et courent en guirlandes.

Si le propriétaire de l’hôtel a risqué la dépense d’une telle grotte, c’est, à n’en pas douter, qu’il voulait rendre ses clients heureux. Et de fait les déjeuneurs — des Allemands tous — ont un air de complète satisfaction. Nul signe de misère morale, aucune dépression ne se lit sur leurs visages, réjouis par la nourriture. Ils sont contents de mastiquer du veau dans cette grotte. Peut-être, favorise-t-elle leur rêverie…

Cependant, par la fenêtre près de laquelle je suis assise, on aperçoit l’impénétrable masse des forêts et, perfectionnant les nobles lignes : la Wartbourg… Quel rapport les mangeurs de veau établissent-ils entre la majestueuse austérité de ce paysage et la grotte plâtre et bouchon, les Kobolds, le hibou imbécile, les fleurs de papier ?

Je renonce à le découvrir, en hâte je m’échappe et, conduite par un cocher soucieux, je monte au château où sainte Elizabeth, les maîtres chanteurs, Luther ont laissé leurs traces.

La route est admirable. L’immense horizon, les verdures qui s’écroulent et se relèvent d’un mouvement continuel, répandent une paix religieuse. On a le cœur plein, immobile et soumis.