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un voyage

voir, voir ! Il y en a encore, toujours. Et sur tout cela erre un parfum de réséda, si fort qu’on ne sait si on le sent, si on le voit, ou bien s’il vous touche. Il devient un être, qui vous serre la gorge, fait bourdonner vos oreilles, vous tue un peu.

Il y en a trop de ces fleurs, elles sont trop puissantes, on cherche, on implore pour rafraîchir ses yeux et son cerveau, la modeste verdure d’un talus… Nous ne sommes pas faits pour un monde où les fleurs poussent si serrées qu’on ne voit plus la terre grise mais, seulement, rejointes indéfiniment sans intervalles les couleurs folles. Les champs de fleurs d’Erfurt jettent à l’esprit et aux sens plus de plaisir qu’ils n’en peuvent porter. Une splendeur si absolue, si continuelle épuise l’énergie, donne une détresse nerveuse, un besoin de ne plus sentir. Nulle tristesse n’apporta jamais cette lassitude. C’est peut-être que nous avons besoin de la douleur et non de la joie…