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ERFURT


Depuis ma dernière visite, Erfurt a grandi. Plus riche, elle a perdu un peu de sa grâce intime. Un point cependant demeure parfait : la place que de si haut domine la cathédrale. Cette large place très simple, très noble et de la plus belle forme fait penser à une vieille estampe. Une estampe féerique où l’on entre comme le petit garçon du conte suédois, et qui, à peine y est-on entré, vous oblige de vous rappeler mille choses que vous ne savez point, des gens inconnus, d’autres existences que votre existence. On serait étonné, tandis qu’on y circule, remuant des souvenirs qui ne vous appartiennent pas, si on se voyait dans un miroir avec ses vêtements et sa figure d’aujourd’hui.

N’allez pas croire que la belle place raconte les jours somptueux où tant de princes se précipitèrent à Erfurt pour voir jouer Cinna. Non, elle ne fait aucune allusion à ces folies. Elle parle de choses familières, douces, et mêle à votre âme une bonne petite âme, enfantine par moments, à d’autres vieillotte. Et l’on voit les grandes neiges gaies, avec leurs jeux ; et la course par les rues noires, la lanterne balancée au bout du bras ; l’arbre de Noël