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un voyage

douleur et de courage : Anna de Noailles. Elle va, pensive, harmonieuse, parmi les images de gloire et de mélancolie, de vie et de mort, qui naissent du beau jardin funèbre.

Au fond s’élève un monument assez lourd : le tombeau de la famille de Saxe–Weimar.

Nous entrons avec un groupe de visiteurs dans une grande chapelle nue, vide, et morose plutôt qu’austère. Après quelques minutes d’attente, le gardien nous précédant, nous descendons un escalier où le frottement des semelles fait un bruit sinistre. Des lampes électriques s’allument : nous sommes dans la crypte.

L’air est épais, et froid pourtant. Des cercueils s’alignent. Il en est de très ornés, celui de Charles–Auguste se cache sous le bronze d’un monument, mais la plupart offrent leur triste forme avec toute son évidence. Quelques-uns sont couverts de velours rouge qui s’élime, moisit ; au fond d’un retrait obscur, on en distingue vaguement d’autres, très anciens, et leur simplicité sèche aperçue dans les brumes grisâtres semble plus affreusement réelle encore. Une draperie pend, derrière laquelle il y a on ne sait quoi, et tout est pâli, éteint par la poussière. Étrange poussière ! Que ses humbles atomes entassés, sont pénibles à voir sur les bières de velours rouge, comme ils appauvrissent la somptueuse couleur périssante ! Étrange poussière !… elle inquiète, on sent qu’elle n’est pas composée des mêmes substances que celle qui vole et retombe aux demeures des vivants.