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un voyage

les montagnes, tantôt dans la douce lueur des étoiles. La nature entière était comme le truchement du silence oppressé que je suis condamné à garder avec vous. N’est-il point venu quelque étoile messagère vous raconter mon amour ! » Et ailleurs : « Marc Aurèle cite ce vers d’un poète ancien : « Il faut que notre vie soit moissonnée comme le sont les épis. » Soit ! Mais qu’on ne nous déracine pas l’un de l’autre… » Et ceci enfin : « Je veux vous dire ce que je ne peux pas dire, mais ce que vous avez dû apprendre à savoir durant ces six années. Pourtant ce n’est rien de nouveau, mais quelque chose comme : respirons l’éternité… »

Il savait parler de son amour…

Sur le conseil de la princesse, Liszt avait renoncé à sa carrière de virtuose. Comprenant quels magnifiques pouvoirs étaient en lui, elle le poussa de plus en plus à écrire. Il tira peu de joie de ses œuvres. Le public si docile au génie du pianiste résistait au compositeur. Il n’obtint guère les triomphes sans restrictions que rêvait Mme  de Wittgenstein ; parfois même la critique lui fut très dure. Il supporta avec une grande élégance morale et un espoir toujours rebondissant, l’insuccès, et le demi-succès plus amer encore, peut–être, et continua de semer les idées dont plus d’un fit son profit. L’activité de Liszt était énorme, il écrivait, donnait des concerts, et surtout il se dépensait à guider, aider, encourager