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les maisons sacrées

siasme de son verbe. Il appartenait à la race des chefs, des prophètes et des conquérants. Il dit quelque part, pensant au terrible peuple qui un temps occupa son pays : « Je me sens parfois Hun jusqu’à la moelle des os. Quand ces os seront brisés, réduits en poussière ou en pourriture, mon esprit respirera encore le combat et la vaillance. » Il jouait du piano… Mais comme personne n’en jouera plus. Ah ! sans doute !

Les portraits le racontent à merveille. Dans celui d’Ary Scheffer, il est très jeune. Le peintre a fait de son mieux pour qu’il eût en perfection l’air de rêverie distinguée que le public souhaite aux artistes glorieux. Mais la vérité perce l’attitude conventionnelle, et l’exécution pauvre. Il a bien fallu marquer la contraction du sourcil qui donne aux yeux ce trouble d’avant l’orage. Et la bouche d’un dessin sec et froid, comme elle est prête aux véhémentes paroles ! Ce jeune homme pose pour le peintre — et pour la galerie, cependant sous son élégance banale, on devine l’être tout en fibres sèches, brûlantes et tendues, rassemblé dans ce calme factice comme une mince bête puissante qui va bondir.

Et voici un autre portrait plus significatif encore, avec ses narines courbes, inquiètes, sa bouche serrée sur des cris retenus dirait-on, son regard ! Il a, ce regard, la rapidité d’une course éperdue, la force préhensive d’une griffe. Il jette l’âme au dehors d’un élan furieux, terrible presque. Son agitation