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au même point, par de grandes, longues racines…

« Ici vécut, travailla, mourut Herder !… »

Des images délicieusement paisibles envahissent l’esprit. Ensuite, quand cessent l’examen de soi, les regrets, le repentir suggérés d’abord par l’inscription, on se rappelle… Il ne suffit pas du tout de travailler jusqu’à la mort dans la même calme demeure pour avoir la paix. Herder n’était pas plus tranquille que nous , qui regardons ses fenêtres. Ce fut un homme crispé, âcre et d’humeur extraordinairement mauvaise.

Dès l’enfance il rencontra dans son père la plus contrariante personne. Ce père, maître d’école de son état, considérait tous les livres comme inspirés du diable. L’étonnant garçon que le ciel lui avait donné, montrait un furieux appétit de connaître : il lui défendit expressément d’ouvrir aucun volume la Bible de Luther exceptée. Le petit Herder fournit l’un des innombrables exemples des bons effets de la contrainte sur le développement des intelligences. Il lut, cela va de soi, et avec une ardeur et des plaisirs que devraient lui envier les heureux enfants auxquels on donne beaucoup de livres en les suppliant d’y jeter les yeux. Où il trouvait ses bouquins, et quels ils étaient, je ne sais : il les trouvait. Et pour se mettre à l’abri des dangereuses colères paternelles, il montait avec eux au plus haut des arbres. Seulement, ravi jusqu’à la totale distraction par l’intérêt de la lecture, il lui arrivait de tomber. Alors il prit l’habitude de s’attacher à une grosse branche. De telle sorte il