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les maisons sacrées

demeurée tout intellectuelle, d’autres risquent quelques doutes. Ceux-là nous prient d’observer, que le poète racontait à son amie les aventures où l’entraînait une vive sensualité. Eût-il risqué de telles confidences si Mme von Stein avait été pour lui plus qu’une grande sœur indulgente ? Mais, ripostent ceux-ci, Gœthe — dans ses lettres ! — n’embrasse-t-il pas Charlotte sur les lèvres ? Constamment il la remercie avec d’ardentes effusions. De quoi remercie-t-il ? Que nous importe ! Ces gens se sont aimés, voilà le point.

Certes Gœthe ne s’en tint pas à chérir Charlotte, d’un cœur et d’un esprit purement mystiques. L’immense admiration qu’il avait pour elle, en fait la preuve. – Jamais un homme ne parvient à admirer sans restrictions l’intelligence d’une femme qu’à travers le désir. Si elle ne l’avait pas troublé profondément, Gœthe n’aurait pas accepté avec tant de chaude joie la direction morale et, singulièrement, les conseils littéraires de Mme von Stein. Elle, pour conserver l’admiration du grand homme et la prise qu’elle avait sur lui, fut faible peut-être ? — Les femmes se donnent souvent par terreur de n’être plus aimées, si elles suivent leur goût, qui serait de ne se donner pas. — Et aussi elle chérissait Gœthe, et ils passaient de longues heures seuls et libres… Mais encore un coup, qu’importe : ils s’aimaient !

Leurs secrets sont à eux.

La belle passion dura une dizaine d’années. Après quoi, l’amour de Gœthe, et le grand besoin qu’il avait de son amie, commencèrent d’être moins impé-