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que, dans sa jeunesse, il avait pour la solitude. Il fait à sa peur des ténèbres des allusions détournées, comme si au moment où il écrit ses mémoires le souvenir lui en était encore pénible. Il avait le vertige jusqu’à défaillir ; la vue des malades lui inspirait une horreur folle. Il l’a domptée ainsi que bien d’autres faiblesses, car il avait une énergie peu commune. Mais l’insistance qu’il met à signaler cette victoire marque assez ce qu’elle coûta. Vers quatorze ans, on le sépare de sa première amoureuse, qui, mêlée fâcheusement à une affaire de faux, dut quitter la ville, il se roule par terre en hurlant. D’ailleurs, assez tard dans l’existence il conserve cette habitude : contrarié ou exalté il se jette à terre, se roule et hurle. Et puis il a des hallucinations visuelles, et par exemple, celle-ci.

Le Vicaire de Wakefield que Herder lui avait lu, le jeta en un grand enthousiasme. Rien ne lui paraissait plus touchant, plus délicieux que cette simple histoire. Comme il en était tout occupé encore, le hasard l’introduisit dans la famille d’un pasteur alsacien. Le pasteur avait une femme – comme le vicaire de Goldschmidt justement ! deux filles : analogie merveilleuse !… un fils : tout y était ! Bouleversé par de si frappantes coïncidences, Gœthe décida de vivre quelques pages du roman dont il pensait avoir trouvé le cadre exact et tous les personnages. En moins d’un quart d’heure il se rendit amoureux éperdument de l’une des jeunes filles ; le soir même, elle l’aimait. Puis cette littérature s’acheva selon la logique. Gœthe