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les maisons sacrées

sentir et penser : deviennent nécessaires. La gloire, c’est que les hommes vous citent non en répétant ce que vous avez dit : en vivant leur vie. Ils n’ont pas besoin de lire ce que vous avez écrit : votre volonté, la substance de votre âme est mêlée à l’air qu’ils respirent. Si l’on enlevait aux plus incultes les énergies et la lumière spirituelle qu’ils vous doivent, leur pouvoir de se représenter le monde et eux-mêmes, de haïr, d’aimer, de faire des images, serait soudainement diminuée. Ils pensent ne connaître de vous qu’un nom ; pourtant, soumis sans le comprendre à un secret et puissant instinct, ils le prononcent, ce nom, avec un respect mystique. Et leur inconscience vous donne la vraie gloire, prophètes qui avez ouvert pour eux des chemins !

Je me décide à franchir, timidement, le seuil de la maison sacrée.

La première impression froide et sans grâce déconcerte à l’extrême. L’air de la simplicité n’est point répandu sur tous ces objets. Je ne peux dire pourquoi on imagine aussitôt que celui qui les rassembla se trouvait tous les droits à l’admiration de l’Univers… Il les avait ! Et moi quel droit m’autorise à vouloir que dès l’escalier — il tâche d’être monumental, cet escalier beaucoup trop grand, et si vide et si pauvre ! — que dès l’escalier, donc, des secrets intimes, des rêveries me soient révélés ? Aucun droit, certes. Je monte le cœur contrit.