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peu instruits, les reconnaissent entre toutes. L’empereur donc s’émerveilla déclarant que, personne en Allemagne ne saurait couper dans le marbre des lettres d’une arête si vive, d’un style si noble. Il aimait tant cette inscription qu’on en fit un moulage, afin que les tailleurs de lettres apprissent à écrire son nom sur les façades, avec les mêmes caractères dont on usait à Rome pour léguer aux générations la mémoire d’Auguste. Et sans doute l’empereur allemand rapporta de la sorte un souvenir convenable à l’artiste qu’il est. Cependant les Colisées de bouchon d’Aschaffenbourg et les vilains petits tableaux d’Anna-Amalia témoignent d’un goût pour l’Italie plus… dirons-nous, « objectif », étant en Allemagne.

Petite, simplette, la chambre de la grande duchesse est l’endroit le plus émouvant du palais Wittum. Aux murs de tendres portraits : les enfants, la mère. Le lit a une draperie de soie verte sèchement plissée. Il est minuscule, ce lit. L’aimable femme dut s’y trouver à l’étroit pour mourir. Car elle y mourut, après y avoir aux heures de jeunesse rêvé à ce que la vie a de plus vif, après y avoir usé ces insomnies où, toutes choses éteintes, on se rappelle.

Contre la couchette qui semble un lit pour une petite fille, on a dans une vitrine mis deux mules ravissantes, pimpantes, insolentes, cambrées. Ces mules à hauts talons, elles coururent prestes vers le plaisir, aux pieds mignons de cette princesse qui eut un tendre cœur pour l’amour et un noble