Page:Bulteau - Un voyage.pdf/107

Cette page a été validée par deux contributeurs.
92
un voyage

sation étrange. Il cherche à se rappeler, quoi ? il ne sait pas. Et tout à coup, il entend un faible bruit. C’est comme le battement d’une horloge très lointaine. Cela va plus vite, toujours plus vite, et il y a un second battement, un troisième, dix, bien d’autres. Ce sont des horloges ? Des horloges affolées, des horloges qui souffrent ? Non ! Les yeux du garçon commencent à percer les ténèbres, il voit ! Autour de lui, rangés sur des planches, il y a par centaines des vases de cristal et dans chacun est un cœur. Un pauvre cœur rouge qui saute, qui saute désespéré. Les cœurs volés par le Kobold aux enfants qui ne veulent pas souffrir ! Et le garçon au triste bonheur reconnaît le sien. Et il lui semble qu’un appel s’échappe de ce vase de cristal, que son cœur et tous les cœurs lui commandent une chose, et qu’il faut qu’il la fasse, mais il ne devine pas quelle chose. Il reste là, tout droit, sans comprendre rien, sinon que ce froid dans sa poitrine augmente, et que, s’il pouvait éprouver la douleur, il aurait mal à cette place où il sent un vide gelé. Il songe à partir, il va partir… Les cœurs frappent si fort les parois de cristal que chaque vase rend un bruit de cloche. C’est assourdissant, toutes ces cloches, il les aimait autrefois. Il ne les aime plus. Il se tourne pour sortir, à quoi bon rester là ? Mais au premier pas qu’il fait une bête saute, crache, miaule, passe brusquement entre ses jambes : c’est le chat du Kobold, dont il vient d’écraser la queue, Le garçon trébuche, tend les bras pour se retenir, saisit au hasard le vase de cristal où est son cœur.