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un voyage

peur. Nul danger pourtant, le château et la ville sont proches… Mais où ?… Je marche depuis une heure, au hasard, et tout à coup je comprends que je me suis perdue. Cela m’est égal extraordinairement.

La forêt n’est plus silencieuse, elle bruit tout bas. Je m’arrête, j’écoute. La musique de celui qui savait si bien la voix des feuilles et des branches circule en moi comme une pensée claire et vive. J’entends la fanfare du jeune homme impétueux qui revient chez Mime le Niebelung, la rosée du matin à son front ; et la chanson d’argent de l’oiseau me poursuit. Je marche. Par instants j’essaye de retourner. Je ne sais qui, brouille et confond les chemins derrière moi. Je marche, la tête pleine de vieux contes. Ils renaissent frais et vivaces, non comme des souvenirs pâlis, mais tels qu’ils étaient la première fois où je les ai entendus, mon cœur de petite fille sautant de curiosité craintive. Et mon vieux cœur lassé, lui aussi, saute. Je fais si peu de bruit en foulant les mousses que je l’entends, et une vieille histoire s’efforce à repousser les autres, à s’établir seule, une histoire qui va si bien avec cette futaie immense, cette solitude pleine de frémissements, cette journée qui finit…

C’était un petit garçon exigeant, plein de désirs compliqués. Un jour dans le grand bois, il rencontra un Kobold rouge, un tout petit Kobold tortu, sautillant, dont le regard était cruel. Le Kobold lui offrit d’être le plus riche et le plus heureux des garçons, il aurait ce que personne ne pouvait