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cassel

est enrhumé », dit le gardien. On ne saurait qu’approuver cette résolution.

Me voici dans le parc. Les arbres gigantesques descendent le long d’une pente rapide, il semble que la forêt veuille envahir le jardin et ses corrects parterres de fleurs fragiles. On aperçoit l’immense construction de l’Hercules par où, d’étage en étage, l’eau tombe en cascade, et très haut, très loin, au sommet, une énorme statue toute brune contre le ciel pâle. Et puis on ne voit plus rien, le grand bois vous happe et vous enferme.

Je monte à travers l’épaisse verdure. Un fragment d’aqueduc courbe sous ses arcs des morceaux de ciel. Des bouts du paysage d’en bas, apparaissent entre les fûts droits des arbres, puis des fourrés confus. Nul bruit, sinon parfois un craquement sec qui fait frissonner. Le charme maîtrisant de la forêt allemande pèse sur ma volonté, m’ensorcèle. Je marche, toute pénétrée par cette grandeur, ce secret. Nos bois français ne donnent pas la même sorte d’émotion ; les pompeux aspects de Fontainebleau, l’élégance de Compiègne n’ont rien de comparable à la beauté, la rêverie, l’immensité de la forêt allemande. Cette forêt où Siegfried grandit, sans que ses courses folles en atteignent la limite ! Le bois de Poucet, vous le savez de reste, c’était un endroit bien tenu, percé de toutes parts pour les chasses de l’Ogre. Et comme il était un ogre français, il avait sans doute abattu beaucoup plus d’arbres qu’il n’en fallait abattre, afin d’y voir clair. On n’a pas peur dans le bois de notre Poucet. Et ici on a