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erreurs dans la géologie, en mettant en œuvre des matériaux paléontologiques incomplets ; mais peut-on raisonnablement conclure de la que la science des fossiles ne doit jamais donner que de tels résultats ; que, plus parfaite et appliquée convenablement, elle ne deviendra pas de première importance ? Cette conclusion est trop évidemment fausse pour avoir besoin d’être sérieusement réfutée.

En dernière analyse, tout l’important de la question consiste à décider si les caractères zoologiques auront la prédominance sur les caractères minéralogiques dans l’étude de la géologie. Sans diminuer en rien l’importance des caractères minéralogiques, nous avons l’intime conviction qu’ils ne sont, relativement aux premiers, que d’une valeur secondaire.

La manière d’envisager la question n’est point une chose indifférente ; elle touche à ce que la science a de plus fondamental, à son avenir ; car elle décide si la géologie restera une science pratique, ou si, à l’égal des autres sciences, elle aura aussi sa haute philosophie. Ce que l’on peut dire, c’est que la géologie minéralogique conduit à la seule pratique matérielle de la science, la recherche des substances utiles : c’est l’art du mineur perfectionné ; tandis que la géologie paléontologique peut également conduire au même résultat, mais elle atteint un but plus élevé, la philosophie de la science. Quelle est en effet cette philosophie ? La comparaison de l’état ancien du globe avec l’état actuel ; l’appréciation des changemens successifs que sa surface a subis. Comment pourra-t-on arriver à ce but, si l’on se borne à l’étude de la matière inorganique diversement modifiée ? Ces modifications sont d’ailleurs d’une faible valeur. Quel que soit l’âge d’une argile, d’un calcaire, etc., n’est-ce pas toujours un calcaire, de l’argile, etc. ? Ce qu’il y a actuellement d’important à la surface de la terre, c’est la matière organisée soumise aux lois de la vie ; ce qui est important, c’est de comparer cette nature vivante actuelle avec la nature ancienne ; c’est de reconnaître si les lois de la nature n’ont point subi de modifications ; c’est enfin de pouvoir conclure quelque jour l’état de la surface de la terre, d’après la nature des êtres dont nous étudions les restes fossiles. Voilà ce qui doit exciter l’attention des géologues et leur faire sentir toute l’importance, toute la nécessité de l’étude des fossiles ; en se livrant à cet égard à de nombreuses recherches, ils donneront à la science une nouvelle impulsion dans une route toute philosophique, dans laquelle elle ne fait à peine que d’entrer. Ce n’est donc pas sans quelque raison que j’ai pu dire ailleurs, et que je répète ici avec la plus grande conviction : Point de géologie sans zoologie. »