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au point de causer la submersion d’une partie de l’île.

« M. de Choiseul, qui avait adopté l’idée des anciens sur l’irruption du Pont-Euxin, annonce, en parlant de Lemnos, qu’il a trouvé, près de l’embouchure du Bosphore dans la mer Noire, des traces de terrain volcanique, ce qui le porte à conclure que le premier il a reconnu les véritables causes de l’irruption de la mer Noire et de l’ouverture du Bosphore ; mais s’il avait eu quelques notions de géologie, il se serait bien gardé de tirer de la présence de ces traces volcaniques, signalées un peu plus tard par Olivier, une telle conséquence ; car il eût vu que, depuis les Cyanées jusque vers Buyuk-Déré, c’est-à-dire à peu près jusque vers la moitié du canal, les rives du Bosphore sont formées de roches volcaniques, mais que ces roches volcaniques, comme à Samotraki, appartiennent à des trachytes qui, à l’embouchure de la mer Noire, sont aussi recouverts par un dépôt tertiaire à lignites ; qu’ainsi elles sont bien antérieures à l’existence des hommes et au dernier cataclysme qui a bouleversé ces contrées, et que ce n’était pas ce qui avait donné lieu à l’ouverture du Bosphore, si l’on doit considérer cette ouverture comme un évènement de la période actuelle.

« D’après tout ce qui précède, si la submersion d’une partie de la Samothrace a eu réellement lieu, je pense avec vous qu’elle n’a été occasionnée que par une cause purement locale, soit par l’affaissement d’une partie de l’ile, soit par quelque violent tremblement de terre, ou bien encore par un soulèvement sous-marin comme celui qui a dernièrement donné naissance à l’ile Julia, entre la Sicile et la côte d’Afrique, mais tout-à-fait dans le voisinage de l’ile, car sans cela la chose me paraîtrait fort difficile à admettre.

« Sans vouloir donc mettre ici en doute la véracité du récit du déluge de la Samothrace, que je suis loin de regarder, ainsi que vous le voyez, comme impossible, mais considéré comme simple évènement local, je me permettrai d’ajouter cependant qu’il ne faut pas toujours donner une trop grande importance aux récits des anciens, qui les ont souvent puisés eux-mêmes dans des auteurs plus anciens ; et qu’il faut aussi faire la part des temps, car, à des époques qui se rapprochaient plus ou moins des temps fabuleux, il n’est pas étonnant que, chez des peuples aussi avides du merveilleux que les Orientaux, chaque peuplade en particulier ait cherché à rattacher au pays qu’elle habitait des faits qui n’appartenaient qu’à d’autres localités, comme vous l’avez savamment démontré pour les déluges de Deucalion et d’Ogigez. Il n’est pas étonnant non