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Les eaux jaillissantes se rattacheraient ainsi à un ordre de faits dont le rôle géologique n’a pas été sans importance durant les périodes antérieures : je veux parler des sources intermittentes, des eaux qui s’engouffrent pour ne reparaître à jour qu’après un assez long trajet souterrain, comme on en voit fréquemment dans les pays de craie à silex, de celles qui sortent brusquement avec une grande abondance d’eau ; de celles qui traversent encore périodiquement des cavernes, suivant les crues plus ou moins fortes des courans extérieurs, suivant les barrages accidentels, et qui ont contribué et continuent à les remplir de graviers et d’ossements.

Les géologues de l’expédition de Morée, MM. Boblaye et Virlet ont observé dans ce pays un phénomène qui peut éclairer vivement la question des eaux souterraines, en même temps que celle des alluvions continentales : ce sont les katavotrons des vallées closes de la Morée centrale, sortes de gouffres ou se précipitent en tourbillonnant les eaux torrentielles amassées durant les saisons pluvieuses, entraînant avec elles, après en avoir déposé une partie sur les plaines superficielles, le limon rouge qui les colore et les squelettes d’animaux, les débris de mollusques et de plantes, les graviers qu’elles introduisent dans les cavités souterraines d’où elles ressortent pures, limpides et douces, souvent à une assez grande distance dans la mer. Ce phénomène, qui sert à expliquer d’une manière si satisfaisante le remplissage de la plupart des cavernes, ne peut-il aussi expliquer certains puits ou canaux sinueux, remplis de sables, de graviers qu’on ne voit point traverser les couches supérieures, et dont la présence au milieu de bancs réguliers à d’assez grandes profondeurs, a fait plus d’une fois illusion. C’est ainsi que dans les environs de Paris, surtout du côté de Triel, de Nanterre et de Sèvres, des lits ondulés de graviers et de limons ferrugineux, observés entre les systèmes inférieur et moyen du calcaire grossier, considérés par M. Brongniart lui-même comme ayant été déposés dans des cavités sinueuses à parois lisses, formées avant le calcaire du second étage, pourraient bien n’être que les témoins de ces anciennes eaux souterraines.

Quoi qu’il en soit de ces rapports plus ou moins réels des eaux souterraines avec certains dépôts de sédimens, les deux faits singuliers dont vous avez eu connaissance, à l’occasion des puits artésiens, démontrent suffisamment que les eaux jaillissantes ne proviennent pas uniquement de minces nappes d’eau au contact de couches imperméables, et résultant de filtrations à travers des couches de sables, mais qu’elles traversent de véritables canaux, ou du moins qu’elles ont communication avec des cours d’eau superficiels.