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Les affirmations, ou si l’on veut, les règles absolues, en linguistique, sont dangereuses, presque toujours fallacieuses. Il est bien difficile, pour ne pas dire impossible, de tracer les limites que la pensée et la parole de l’homme, dans leurs mouvements si capricieux et si variés, ne franchiront jamais. Il faudrait, pour cela, raisonner sur un beaucoup plus grand nombre de faits que les savants n’en connaissent : car ils n’explorent que le champ tout à fait restreint des langues écrites et littéraires, laissant forcément de côté la variété infinie des langues populaires non écrites, celles-là même où l’esprit humain laisse voir avec le plus de spontanéité et de liberté les lois si souples et vraiment incoercibles de la manifestation extérieure de ses évolutions. C’est sous le bénéfice de cette restriction préventive que le lecteur doit accepter, ou entendre, les assertions plus ou moins générales qui pourront nous échapper.

À défaut de tout autre mérite, ce vocabulaire aura du moins celui d’offrir un inventaire complet et sûr des mots vieux et nouveaux que possède le dialecte le plus excentrique et le plus original du nord-est de la France.

Lorsque le mouvement qui altère les patois avant de les submerger dans le français, aura consommé cette œuvre de destruction et de nivellement, nous espérons qu’alors nos humbles travaux où le bressau pourra se survivre un peu, acquerront quelque prix aux yeux des amateurs et des linguistes de profession. C’est dans cette vue que nous avons poussé nos recherches jusqu’à épuisement de la matière. Nous avons aussi voulu donner à notre pays natal un témoignage de l’amour patriotique que nous lui portons, comme de l’estime que nous faisons, dans son ancien, très beau et délicieux langage, de toutes ses anciennes et vénérables coutumes.

Achevé à Saint-Dié, le 6 juillet 1892.
HINGRE, Chanoine de Saint-Dié.