Page:Buisson, Rapport fait au nom de la Commission de l’enseignement chargée d’examiner le projet de loi relatif à la suppression de l’enseignement congréganiste - N°1509 - Annexe suite au 11 février 1904 - 1904.pdf/11

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’à celle de l’esprit — peut-il être toléré dans une société d’hommes civilisés ? C’est une question que nous n’avions pas à trancher. On nous demandait seulement de dire s’il mérite d’être élevé ou maintenu par l’État au rang de personne civile et de personne enseignante publiquement reconnue. Une corporation d’assujettissement peut-elle être érigée en corporation d’enseignement ?

A une très grande majorité, votre Commission répond négativement et, d’accord avec le Gouvernement, elle vous propose de retirer à toutes les congrégations qui l’ont obtenue, comme vous l’avez refusée à toutes celles qui la demandaient, l’autorisation d’enseigner.

III
Premier motif à l’appui du projet.


Deux ordres de considérations — exclusivement tirés, nous ne saurions trop le répéter, de la nature même de l’établissement monastique — motivent la proposition du Gouvernement que nous vous demandons d’accueillir.

C’est d’abord au nom des droits de l’enfant, c’est ensuite au nom des droits du congréganiste que l’État républicain doit, selon nous, refuser l’autorisation légale aux congrégations enseignantes.

L’État intervient d’abord au nom des droits de l’enfant.

Il n’appartient à personne, pas même aux parents, d’exercer sur un enfant une pression qui soit de nature à compromettre son développement normal de corps ou d’esprit. L’adulte n’a pas le droit d’abuser de sa force physique contre la faiblesse physique de l’enfant ; il n’a pas davantage le droit d’abuser de son autorité, de sa puissance de persuasion ou de commandement pour fasciner l’imagination, pour séduire la sensibilité, pour fausser l’intelligence, pour terroriser la conscience du plus frêle et du plus impressionnable des êtres.

Que si quelqu’un, volontairement ou non, risque de causer ce tort peut-être irréparable à des mineurs, c’est à l’État, défenseur de ceux qui ne peuvent se défendre, de prendre en leur faveur et à temps des mesures de protection efficace. Il ne semble pas que personne conteste, en principe, ce droit ou plutôt ce devoir de la nation envers ses enfants.

On n’a pas réfuté les paroles de Thiers si souvent citées et dignes de l’être par leur précision[1] :

« L’enfant qui naît appartient à deux autorités à la fois, au père

  1. Thiers, rapport de 1844 sur la liberté de l’enseignement.