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paré l’Égypte d’une manière à eux, sans que personne eût rien à y voir. Savez-vous bien que presque tous les grands fonctionnaires et employés publics du Khédive sont des sujets de notre gracieuse souveraine, encore plus gracieuse depuis qu’elle est impératrice des Indes ? Le Maître des Postes de l’Égypte est un anglais qui reçoit pour traitement 10,000 dollars ; il a, sous ses ordres, un assistant qui touche $5,000 et un deuxième assistant qui palpe $4,000 ; histoire de se traiter aux oignons d’Égypte. On n’estime pas à moins de $500,000 le montant des salaires payés aux fonctionnaires anglais du Khédive, et son gouvernement en demande encore d’autres, et il n’arrive guère à Alexandrie de paquebot qui n’amène des ingénieurs, des architectes, des officiers de terre et de mer et des organisateurs de toutes les branches du service public, mandés expressément d’Angleterre par le vice-roi, vassal de la Turquie. Il parait que les Égyptiens ne sont ni assez honnêtes, ni assez intelligents, ni assez industrieux pour qu’on les emploie à des fonctions supérieures, de sorte que le Khédive, environné d’anglais qui administrent son pays et de capitalistes anglais qui l’enlacent d’hypothèques, est encore plus un vassal de la Grande-Bretagne que de la Turquie, et ne peut guère se considérer que comme un de ces princes indiens auxquels l’Angleterre laisse une souveraineté apparente, mais qu’elle n’en tient pas moins par tous les bouts à la fois.