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gieuse, maintenant foyer d’infection, crasseux, putride, ceinturé de chiens et de chats morts, assailli çà et là par des amoncellements de déchets apportés de toutes les cours de la ville et qui grossissent chaque jour avec une satisfaction évidente, cet édifice, autrefois respectable, maintenant ruine hideuse et dangereuse, continue de rester debout, comme si rien ne pouvait l’arracher du sol qu’il a tenu embrassé pendant plus de deux cents ans.

En vain les plaintes, les menaces, les récriminations pleuvent sur lui ; il les reçoit comme des averses et sa face jaunie, semée de rides et de crevasses, les laisse ruisseler et s’abattre sans en être émue ; on dirait « les portes mêmes de l’Église contre lesquelles rien ne peut prévaloir. » Ces jours derniers encore, croyant qu’il allait crouler, puisqu’il penchait, on lui avait mis des étais et des sentinelles étaient postées pour crier « gare » aux passants ; mais c’était une feinte. Dès qu’il se vit soutenu, il sembla se redresser ferme comme pour narguer ces vaines précautions humaines et, aujourd’hui, étais et sentinelles ont disparu, et le vieux collège des Jésuites est resté debout au milieu de sa fange, inattaqué, inviolé.

On avait donné ordre, pour la vingtième fois, aux lambeaux de familles qui l’habitent, de déguerpir ; un