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pité l’homme en face de mystères sans cesse renaissants, qu’il n’eût même jamais soupçonnés avant d’avoir mordu au fruit fatal de la science.

Plus le malheureux sait, plus il s’aperçoit qu’il ne sait rien ; plus il apprend, plus il s’aperçoit qu’il lui reste encore et toujours à apprendre. C’est l’infini, l’effroyable infini, qui se déroule devant lui au fur et à mesure qu’il y pénètre, et qui recule, recule de plus en plus à mesure que son regard embrasse davantage. Alors, à quoi bon apprendre si, à chaque pas que l’on fait, on est de plus en plus convaincu de son ignorance ? Remonter éternellement le rocher de Sisyphe, toujours aspirer et ne jamais atteindre, quel lot que le nôtre et se peut-il qu’une aussi horrible destinée se continue indéfiniment sous d’autres formes futures ?



Que peut acquérir de science la plus longue vie dont toutes les minutes sont employées ? Que peuvent apprendre toutes les existences réunies ? Plus l’homme comprend l’immensité, plus il se sent petit ; quand il a employé, pour mesurer les distances de l’espace, des chiffres qui expriment des nombres incalculables, il est comme s’il n’avait rien fait. L’espace continue toujours devant lui, l’espace où des milliards de milliards de mondes, pour la plupart des millions de fois