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— XIV —

n’a plus eu d’objet, car toute littérature réelle est impossible dans un pays où l’on ignore les sciences et les arts ; son champ reste trop limité pour que des esprits sérieux et profonds s’y exercent ; aussi avons-nous vu, depuis un certain nombre d’années, des recherches historiques fort intéressantes, fort instructives, mais où la critique était absente.

Comment veut-on que la littérature soit une carrière dans un pays où chacun est constamment en présence des inflexibles nécessités de la vie, où le combat pour le pain quotidien ne laisse pas de loisirs et absorbe toute l’activité de l’esprit et du corps ? Nous possédons à peine les éléments même de la vie matérielle. Une foule de choses qui seraient d’un rapport aisé, et même très-lucratives, sont laissées de côté, faute de population et de moyens. Nous sommes tenus de résoudre l’existence dans un cadre restreint, quand d’inépuisables richesses naturelles sollicitent de toutes parts le travail et l’exploitation ; nous sommes trop clairsemés sur une vaste étendue de pays pour que des carrières nombreuses puissent se faire jour et espérer quelque chose de la fortune ; nous sommes trop préoccupés de répondre aux besoins immédiats, et ils nous donnent trop à faire, pour que nous puissions rien distraire de nos moyens et de