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Le chemin de fer

retenus aux montants enfumés, s’agitent avec fracas dans l’air que nous refoulons ; on voit qu’ils ont été laissés, comme ils ont été dressés, à la hâte, l’ouvrage se faisant si vite que les travailleurs n’ont guère eu que le temps de monter à la course des abris provisoires ; on aperçoit ces derniers par groupes, ici ballastant la voie, là extrayant des carrières la pierre des ponts et des ponceaux, une pierre magnifique, le véritable granit laurentien, aux grains serrés, scintillants, durs et fermes, capable de résister au choc de tous les tremblements de terre dont nous étions alors menacés, d’après les prophéties de Vennor.

Voici le log-house du père Buchanan, une des maisons de pension échelonnées sur la ligne. On y prend un bon repas pour vingt centins ; le prix est le même pour tout le monde, car l’ordinaire ne peut être que le même pour tous ; du reste, ce prix est invariable, dans toutes les pensions qui s’établissent, au fur et à mesure que les hommes séjournent quelque peu dans un endroit. Le père Buchanan a une belle grande fille, une blonde anglo-saxonne, aux membres d’athlète, qui vous débite en trois coups de hache une énorme bûche, et, l’instant, d’après, vous servira gracieusement, avec sa main redoutable, une assiettée de soupe ou un rosbif taillé comme dans un billot. Ici, le sol est superbe pour la culture des