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Cottage", naguère un bruyant rendez-vous, mais maintenant isolé de toutes parts, ouvert de tous côtés, béant, sinistre et lugubre, l’aspect repoussant d’une vieille ruine dédaignée. Nous passons de même la "North Pole House", ainsi dénommée du séjour qu’y firent en 1885-86 une vingtaine d’Italiens, engagés par aventure sur la ligne, et qui passèrent l’hiver à geler, à 80 centins par jour. La "North Pole House", construction multiple, renfermait ce qu’on appelle un "campe" pour les hommes, un "office" pour le règlement des comptes, et un "store", c’est-à-dire un magasin de provisions. Il y avait de cela à peine un an, en 1887, et déjà tout avait disparu, campe, office, store, Italiens, punaises, et l’œil n’y contemplait plus guère que la noire image de la désolation répandue sur les troncs d’arbres moisissants. Encore un an et l’on ne devait même plus retrouver l’emplacement où s’élevait si utilement et si commodément la "North Pole House" !… …T’as qu’à voir !… s’écrierait un canadien stupéfait du néant des choses humaines.


XIII


Nous voilà maintenant engouffrés dans les derniers contreforts des Laurentides, sur le versant septentrional de la chaîne. Partout, à droite, à gauche, devant, derrière nous, des gorges profondes, des ravins, des précipices, d’énormes entassements de granit, des massifs qu’on ne voyait pas l’instant d’auparavant et qui surgissent tout à