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« 7o Souvent il brûle ses habits ou sa couverte ou ses bas pendant la nuit, surtout quand la cabane est petite et étroite. Il ne peut s’étendre, mais il se rétrécit et il a la tête contre la neige couverte de sapin, qui refroidit bien le cerveau et lui cause des maux de dents, etc.

« 8o Il couche vestu et ne demêt sa soutane et ses bas que pour se défendre de la vermine, dont les sauvages sont toujours riches, surtout les enfants.

« 9o Le plus souvent, à son réveil, il se trouve entouré de chiens : je me suis trouvé quelquefois parmi 6, 8 et 10.

« 10o La fumée est quelquefois si violente qu’elle le fait pleurer, et quand il se couche, il semble qu’on ait jeté du sel dans ses yeux ; et, à son réveil, il a bien de la peine à les ouvrir.

« 11o À la fonte des neiges, quand il marche sur des lacs ou de longues rivières, il est tellement ébloui pendant quatre à cinq jours par l’eau continuelle qui lui tombe des yeux qu’il ne peut lire son bréviaire ; quelquefois il faut le mener par la main. Cela est arrivé au P. Silvy et au Père Dalmas et à moi qui, en chemin, ne voyais que le bout de mes raquettes.

« 12o Il est souvent importuné de petits enfants, de leurs cris, de leurs pleurs, etc., et quelquefois il est incommodé de la puanteur de ceux et de celles qui ont les écrouelles, avec qui même il boit d’une même chaudière. J’ai passé plus de huit jours dans la cabane de Kaouïtaskouat, mystassin le plus considérable, et couche auprès de son fils incommodé, dont la puanteur m’a souvent fait soulever le cœur de jour et de nuit ; j’ai bu et mangé aussi dans son ouragan.

« 13o Il est quelquefois réduit à ne boire que de l’eau de neige fondue qui sent la fumée et elle est très-sale. L’espace de trois semaines je n’en ai pas bu d’autre, étant avec des étrangers, dans les terres de Peokouagamy (lac Saint-Jean) ; je n’ai pas vu de sauvages plus sales à manger, à boire et à coucher que ceux-là. Souvent la viande était pleine de poil d’orignal ou de sable. Une vieille prenait à pleine main, avec des ongles très-longs, la graisse dans la chaudière, y ayant jeté de la neige : et puis elle nous la présentait à manger dans un ouragan très sale ; et chacun buvait du bouillon de la même chaudière.

« 14o En été, dans les voyages sur terre dans le Saguenay et sur le grand fleuve, il boit assez souvent de l’eau bien sale, qu’on trouve dans quelques mares. Depuis trois jours que le vent nous arrête, nous n’en buvons pas d’autre. Quelquefois le vent l’oblige à se sauver dans les lieux où on n’en trouve pas du