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ravines, court comme un long frissonnement le long des rivages émus, s’engouffre dans les précipices, les remonte en bondissant, frappe les plateaux lointains, puis doucement, doucement, se ralentit, se calme et va s’éteindre enfin dans quelque gorge étroite où il arrive comme étouffé. Alors, le silence, pour quelques instants banni de ses éternelles retraites, y retourne aussitôt et étend de nouveau son muet empire sur cette immense nature subitement apaisée.

On a donné au cap Trinité son nom parcequ’il est en réalité formé de trois caps égaux de taille et d’élévation, dont le premier comprend également trois caps disposés en échelons et formant comme trois étages superposés. Tous ces caps, dressés à pic, présentent une vaste face nue, taillée à arêtes vives, coupée net et comme dans le même moment par quelque instrument mystérieux de la nature. En face, de l’autre côté de la rivière, et comme pour apporter un contraste de plus dans ces lieux où le contraste abonde, où les aspects varient et se combattent pour ainsi dire si souvent, on voit s’élever humblement sur la rive un petit chantier de bois de corde et de bardeaux, tandis que derrière les deux grands caps Éternité et Trinité, à l’abri de leurs énormes rocs, tantôt boisés, tantôt chauves, repose tranquillement une petite baie où les bâtiments de toute dimension peuvent trouver asile, et au fond de laquelle