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M. Shehyn, député de Québec-Est, se leva alors et présenta les observations les plus concluantes :

« Comment, dit-il, peut-on accuser de n’être pas sérieuse et de n’avoir en vue qu’un but de spéculation une compagnie dont les directeurs, tels que MM. James G. Ross, Wm. Withall, E. Beaudet, sont des princes de la finance, qui ont des intérêts dans toutes les grandes entreprises commerciales et industrielles, et qui auraient horreur de prêter leur nom à tout projet de nature à tromper le public ? La question est de savoir si la charte de la compagnie est ou n’est pas expirée. Je ne discuterai pas le point de vue légal, il n’est pas de ma compétence ; mais je présenterai les faits, qui sont décisifs. Par sa quatrième charte, la compagnie devait commencer ses travaux entre Gosford et Saint-Raymond avant le mois de mai 1878. S’est-elle conformée à cette obligation ? D’un côté, nous avons le député de Rouville qui se prononce négativement, sans avoir aucune compétence dans la question ; de l’autre, nous avons deux ingénieurs, l’un, ingénieur-en-chef de la ligne, l’autre, nommé par le gouvernement, qui affirment positivement, dans des rapports en date du 29 avril 1878, avoir examiné les travaux qui se poursuivaient alors à Gosford, et qui en font le détail technique. Qui devons nous croire, du député de Rouville ou des ingénieurs qui se prononcent après un examen personnel scrupuleux ? La chambre jugera.

« La compagnie, forte de l’opinion de ces ingénieurs, tous deux d’avis que la route de Jacques-Cartier à Saint-Raymond par Gosford est difficile, qu’elle offre des pentes de 300 pieds au mille, et qu’en outre elle oblige à faire un long détour, a décidé de l’abandonner et de suivre une ligne droite. À quoi réussira le député de Rouville si son opposition au projet de loi triomphe ? Uniquement à forcer la compagnie à dépenser plus d’argent sans raison, puisque personne autre que lui ne s’oppose à la modification de la ligne, et l’on peut être sûr que la compagnie ne reculera pas devant cette dépense, déterminée qu’elle est à construire le chemin quand même ; il ne resterait plus alors au député de Rouville qu’à faire décider par les tribunaux si la charte de la compagnie est valide ou non. En supposant même que la charte soit expirée, pense-t-on que la Chambre voulût en dépouiller la compagnie pour une considération légale puérile ? Non, il ne se peut qu’elle commît une pareille injustice envers une compagnie qui a donné toutes les garanties désirables et qui a déjà fait de grandes dépenses à la poursuite de son objet. Quiconque a quelque expérience des chemins de fer sait que lorsqu’une ligne est une fois commencée, souvent on en modifie le tracé afin d’avoir accès plus