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de vingt-quatre heures, et chacun n’a plus qu’à chercher à se préserver soi-même du terrible élément déchaîné. L’air est plein des cris, des lamentations des victimes et des mugissements des animaux qui périssent engloutis dans les flots brûlants ; le vent tourbillonne avec fureur et la terre tremble sous ses assauts ; la forêt, tordue par la tempête et le torrent de flammes, gémit, craque et s’écrase avec un bruit de tonnerre ; les eaux courroucées du Lac s’élancent sur le rivage qui cède et s’ébranle ; les flammèches, détachées de cet océan de feu, remplissent l’espace comme une pluie brûlante et l’air n’est plus respirable ; on ne peut rien voir autour de soi dans l’épaisse fumée, et les colons et les femmes, qui sont restés sur le lieu du sinistre, incapables de faire un pas, attendent la mort qui s’avance précipitée. Seules, les mères éperdues cherchent à percer la noire muraille de fumée pour courir après leurs enfants dont elles n’entendent plus les cris ; on se cherche, on s’appelle, mais c’est en vain ; toutes les voix sont étouffées, tous les échos sont assourdis… Enfin, dans la journée du 19, vers le soir, le vent commence à se calmer, un peu de jour se fait, et les colons, au nombre de 79, se trouvent réunis près d’une petite maison de vingt pieds dans laquelle ils cherchent refuge.

Heureusement personne n’a péri, quatre enfants seulement avaient été horriblement brûlés, et l’un d’eux expirait quelques heures plus tard. La chapelle, le presbytère et ses dépendances avaient été la proie