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mois de temps. Il mourut de congestion alcoolique, après quelques jours seulement de maladie, pendant lesquels tout son corps se carbonisa. Son lit était une table placée dans la première pièce de l’ancienne maison de M. Price, laquelle renfermait alors quatre ménages, et qui, aujourd’hui complètement transformée, forme un élégant manoir situé sur la rivière Saguenay, entouré de jardins, ombragé d’arbres magnifiques, et au-dessus duquel flotte le pavillon du consulat de Norvége.[1]

Quand Peter McLeod vit que la mort était inévitable, et qu’il lui fallait céder au plus fort une fois en sa vie, il demanda qu’on ouvrît la croisée de sa chambre, et là, plongeant une dernière fois les regards sur les sombres montagnes qui bordent la rive opposée, sur toute cette campagne sauvage qui l’entourait, qui avait été son berceau, et qui, maintenant, le regardait mourir avec l’impassible sérénité de la nature, il resta longtemps silencieux à contempler cette scène muette qui déjà revêtait pour lui l’aspect de l’immensité, puis on le vit se soulever avec effort sur son séant et détourner violemment la tête. Un cri horrible sortit de sa poitrine en feu : « Non, fit-il entendre d’une voix rauque et brisée, mais qui

  1. L’honorable M. David Price, le seul à peu près des Price qui aille encore de temps en temps à Chicoutimi, est consul de Norvége pour le Saguenay. Aussi, tous les dimanches, les bâtiments, qui sont dans la rade de Chicoutimi, hissent-ils leur pavillon pour le saluer, et il leur répond en maintenant le sien toute la journée au-dessus de son toit.