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VOYAGES

ce soit ; l’impatience d’arriver gagne jusqu’à ma plume qui galope et tremble à la fois sur le papier ; la patrie est là à l’horizon, je cours, je vole. Déjà j’ai senti comme des souffles échappés du St. Laurent et qui ont franchi les montagnes et les plaines…… non, non, pas encore…… il va me falloir attendre cinq jours de plus à Détroit. Mais qu’importe ! Une fois là, je n’aurai plus que deux cents lieues à faire pour atteindre Montréal ; trente heures de marche et j’aurai retraversé le continent, j’aurai fait deux fois onze cents lieues comme un éclair glissant sur un nuage ; encore une semaine pour compléter le mois et demi dans lequel s’est accompli ce double voyage.

Il était exactement quatre heures, mercredi soir, une journée après le départ d’Omaha, quand nous arrivâmes à Chicago. J’avais cinq heures à y passer avant que le train du Michigan Central ne partît pour Détroit, à treize heures de distance. — Il restait au fond de mon gousset deux piastres qui me mettaient à l’abri de toute tentation, mais il me fallait cependant occuper à quelque chose les heures d’attente. Je résolus de pousser devant moi au hasard de la marche et de pénétrer jusqu’au cœur de la métropole de l’ouest, devenue si rapidement célèbre, et qui déjà fatigue la renommée.

En voyant cette ville à qui je n’avais pas songé à donner même un regard la première fois, en parcourant les grandes avenues et les rues merveilleuses, peuplées de 400,000 habitants, là il n’y avait pas une maison il y a un demi-