Page:Buffon - Oeuvres completes, 1829, T01.djvu/58

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LII
ÉLOGE DE BUFFON

bleaux, où l’imagination se repose sur un merveilleux réel, comme Manilius et Pope, il peint pour s’instruire ; comme eux, il décrit ces grands phénomènes, qui sont plus imposants que les mensonges de la fable ; comme eux, il attend le moment de l’inspiration pour produire ; et comme eux il est poëte. En lui, la clarté, cette qualité première des écrivains, n’est point altérée par l’abondance. Les idées principales, distribuées avec goût, forment les appuis du discours ; il a soin que chaque mot convienne à l’harmonie autant qu’à la pensée ; il ne se sert, pour désigner les choses communes, que de ces termes généraux qui ont, avec ce qui les entoure, des liaisons étendues. À la beauté du coloris il joint la vigueur du dessin ; à la force s’allie la noblesse ; l’élégance de son langage est continue ; son style est toujours élevé, souvent sublime, imposant et majestueux ; il charme l’oreille, il séduit l’imagination, il occupe toutes les facultés de l’esprit ; et, pour produire ces effets, il n’a besoin ni de la sensibilité, qui émeut et qui touche, ni de la véhémence qui entraîne, et qui laisse dans l’étonnement celui qu’elle a frappé. Que l’on étudie ce grand art dans le discours où M. de Buffon en a tracé les règles ; on y verra partout l’auteur se rendant un compte exact de ses efforts, réfléchissant profondément sur ses moyens, et dictant des lois auxquelles il n’a jamais manqué d’obéir. Lorsqu’il vous disoit, messieurs, que les beautés du style sont les droits les plus sûrs que l’on puisse avoir à l’admiration de la postérité ; lorsqu’il vous exposoit comment un écrivain, en s’élevant par la contemplation à des vérités sublimes, peut établir sur des fondements inébranlables des monuments