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XLV
PAR CONDORCET.

Placé dans une nation moins savante, Pline fut plutôt un compilateur de relations qu’un philosophe observateur ; mais, comme il avoit embrassé dans son plan tous les travaux des arts et tous les phénomènes de la nature, son ouvrage renferme les mémoires les plus précieux et les plus étendus que l’antiquité nous ait laissés pour l’histoire des progrès de l’espèce humaine.

Dans un siècle plus éclairé, M. de Buffon a réuni ses propres observations à celles que ses immenses lectures lui ont fournies ; son plan, moins étendu que celui de Pline, est exécuté d’une manière plus complète ; il présente et discute les résultats qu’Aristote n’avoit osé qu’indiquer.

Le philosophe grec n’a mis dans son style qu’une précision méthodique et sévère, et n’a parlé qu’à la raison.

Pline, dans un style noble, énergique et grave, laisse échapper des traits d’une imagination forte, mais sombre, et d’une philosophie souvent profonde, mais presque toujours austère et mélancolique.

M. de Buffon, plus varié, plus brillant, plus prodigue d’images, joint la facilité à l’énergie, les grâces à la majesté ; sa philosophie, avec un caractère moins prononcé, est plus vraie et moins affligeante. Aristote semble n’avoir écrit que pour les savants, Pline pour les philosophes, M. de Buffon pour tous les hommes éclairés.

Aristote a été souvent égaré par cette vaine métaphysique des mots, vice de la philosophie grecque, dont la supériorité de son esprit ne put entièrement le garantir.