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XLII
ÉLOGE DE BUFFON

placer par l’amitié et les souvenirs mêlés de regrets un bonheur plus doux qui nous échappe, il eut celui d’inspirer une passion tendre, constante, sans distraction comme sans nuage : jamais une admiration plus profonde ne s’unit à une tendresse plus vraie. Ces sentiments se montroient dans les regards, dans les manières, dans les discours de madame de Buffon, et remplissoient son cœur et sa vie. Chaque nouvel ouvrage de son mari, chaque nouvelle palme ajoutée à sa gloire, étoient pour elle une source de jouissances d’autant plus douces, qu’elles étoient sans retour sur elle-même, sans aucun mélange de l’orgueil que pouvoit lui inspirer l’honneur de partager la considération et le nom de M. de Buffon ; heureuse du seul plaisir d’aimer et d’admirer ce qu’elle aimoit, son âme étoit fermée à toute vanité personnelle, comme à tout sentiment étranger. M. de Buffon n’a conservé d’elle qu’un fils, M. le comte de Buffon, major en second du régiment d’Angoumois, qui porte avec honneur dans une autre carrière un nom à jamais célèbre dans les sciences, dans les lettres et dans la philosophie.

M. de Buffon fut long-temps exempt des pertes qu’amène la vieillesse : il conserva également et toute la vigueur des sens et toute celle de l’âme ; toujours plein d’ardeur pour le travail, toujours constant dans sa manière de vivre, dans ses délassements comme dans ses études, il sembloit que l’âge de la force se fût prolongé pour lui au delà des bornes ordinaires. Une maladie douloureuse vint troubler et accélérer la fin d’une si belle carrière : il lui opposa la patience, eut le courage de s’en distraire par une étude opiniâtre ; mais il ne consentit jamais à s’en délivrer par une