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THÉORIE DE LA TERRE.

lorsque le feu aura dévoré tout ce qu’elle contient d’impur, lorsqu’elle sera vitrifiée et transparente comme le cristal, les saints et les bienheureux viendront en prendre possession pour l’habiter jusqu’au temps du jugement dernier.

Toutes ces hypothèses semblent, au premier coup d’œil, être autant d’assertions téméraires, pour ne pas dire extravagantes. Cependant l’auteur les a maniées avec tant d’adresse, et les a réunies avec tant de force, qu’elles cessent de paroître absolument chimériques. Il met dans son sujet autant d’esprit et de science qu’il peut en comporter, et on sera toujours étonné que d’un mélange d’idées aussi bizarres et aussi peu faites pour aller ensemble, on ait pu tirer un système éblouissant : ce n’est pas même aux esprits vulgaires, c’est aux yeux des savants qu’il paroîtra tel, parce que les savants sont déconcertés plus aisément que le vulgaire par l’étalage de l’érudition et par la force et la nouveauté des idées. Notre auteur étoit un astronome célèbre, accoutumé à voir le ciel en raccourci, à mesurer les mouvements des astres, à compasser les espaces des cieux : il n’a jamais pu se persuader que ce petit grain de sable, cette terre que nous habitons, ait attiré l’attention du Créateur au point de l’occuper plus long-temps que le ciel et l’univers entier, dont la vaste étendue contient des millions de millions de soleils et de terres. Il prétend donc que Moïse ne nous a pas donné l’histoire de la première création, mais seulement le détail de la nouvelle forme que la terre a prise lorsque la main du Tout-Puissant l’a tirée du nombre des comètes pour la faire planète, ou, ce qui revient au même, lorsque d’un monde en désor-