Page:Buffon - Oeuvres completes, 1829, T01.djvu/207

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
123
THÉORIE DE LA TERRE.

dis que ces couches ont été formées peu à peu, et non pas tout d’un coup par quelque révolution que ce soit, parce que nous trouvons souvent des couches de matière plus pesante posées sur des couches de matière beaucoup plus légère ; ce qui ne pourroit être, si, comme le veulent quelques auteurs, toutes ces matières[1] dissoutes et mêlées en même temps dans l’eau, se fussent ensuite précipitées au fond de cet élément, parce qu’alors elles eussent produit une toute autre composition que celle qui existe ; les matières les plus pesantes seroient descendues les premières et au plus bas ; et chacune se seroit arrangée suivant sa gravité spécifique, dans un ordre relatif à leur pesanteur particulière, et nous ne trouverions pas des rochers massifs sur des arènes légères, non plus que des charbons de

    tale : comme la craie n’est qu’une poussière des détriments calcaires, elle a été déposée par les eaux dont le mouvement étoit tranquille et les oscillations réglées, tandis que les matières qui n’étoient que brisées et en plus gros volume, ont été transportées par les courants et déposées par le remous des eaux ; en sorte que leurs bancs ne sont pas parfaitement horizontaux comme ceux de la craie. Les falaises de la mer en Normandie sont composées de couches horizontales de craie si régulièrement coupées à plomb, qu’on les prendroit de loin pour des murs de fortifications. L’on voit entre les couches de craie de petits lits de pierre à fusil noire, qui tranchent sur le blanc de la craie : c’est là l’origine des veines noires dans les marbres blancs.

    Indépendamment des collines calcaires dont les bancs sont légèrement inclinés et dont la position n’a point varié, il y en a grand nombre d’autres qui ont penché par différents accidents, et dont toutes les couches sont fort inclinées. On en a de grands exemples dans plusieurs endroits des Pyrénées, où l’on en voit qui sont inclinées de 45, 50, et même 60 degrés au dessous de la ligne horizontale ; ce qui semble prouver qu’il s’est fait de grands changements dans ces montagnes par l’affaissement des cavernes souterraines sur lesquelles leur masse étoit autrefois appuyée. (Add. Buff.)

    * Il y a quelques montagnes dont la surface à la cime est absolument nue, et ne présente que le roc vif ou le granite, sans aucune végétation que dans les petites fentes, où le vent a porté et accumulé les particules de terre, qui flottent dans l’air. On assure qu’à quelque distance de la rive du Nil, en remontant ce fleuve, la montagne composée de granitée, de porphyre, et de jaspe, s’étend à plus de vingt lieues en longueur, sur une largeur peut-être aussi grande, et que la surface entière de la cime de celle énorme carrière est absolument dénuée de végétaux ; ce qui forme un vaste désert, que ni les animaux, ni les oiseaux, ni même les insectes, ne peuvent fréquenter. Mais ces exceptions particulières et locales ne doivent point être ici considérées.

  1. Voyez les Preuves, art. IV.