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L’HISTOIRE NATURELLE.

tement, comme ils n’avoient aucune idée de ce que nous appelons physique particulière et expérimentale, ils ne pensoient pas que l’on pût tirer aucun avantage de l’examen scrupuleux et de la description exacte de toutes les parties d’une plante ou d’un petit animal ; et ils ne voyoient pas les rapports que cela pouvoit avoir avec l’explication des phénomènes de la nature.

Cependant cet objet est le plus important, et il ne faut pas s’imaginer, même aujourd’hui, que dans l’étude de l’histoire naturelle on doive se borner uniquement à faire des descriptions exactes, et à s’assurer seulement des faits particuliers. C’est, à la vérité, et comme nous l’avons dit, le but essentiel qu’on doit se proposer d’abord : mais il faut tâcher de s’élever à quelque chose de plus grand et de plus digne encore de nous occuper ; c’est de combiner les observations, de généraliser les faits, de les lier ensemble par la force des analogies, et de tâcher d’arriver à ce haut degré de connoissances où nous pouvons juger que les effets particuliers dépendent d’effets plus généraux, où nous pouvons comparer la nature avec elle-même dans ses grandes opérations, et d’où nous pouvons enfin nous ouvrir des routes pour perfectionner les différentes parties de la physique. Une grande mémoire, de l’assiduité, et de l’attention, suffisent pour arriver au premier but : mais il faut ici quelque chose de plus ; il faut des vues générales, un coup d’œil ferme, et un raisonnement formé plus encore par la réflexion que par l’étude ; il faut enfin cette qualité d’esprit qui nous fait saisir les rapports éloignés, les rassembler et en former un corps d’idées raisonnées,