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Après le quartz et le granit, le schiste est la plus abondante des matières solides du genre vitreux : il forme des collines et enveloppe souvent les noyaux des montagnes jusqu’à une grande hauteur. La plupart des monts les plus élevés n’offrent à leur sommet que des quartz ou des granits ; et ensuite, sur leurs pentes et dans leurs contours, ces mêmes quartz et granits qui composent le noyau de la montagne sont environnés d’une grande épaisseur de schiste, dont les couches qui couvrent la base de la montagne se trouvent quelquefois mêlées de quartz et de granits détachés du sommet.

On peut réduire tous les différents schistes à quatre variétés générales : la première, des schistes simples, qui ne sont que des argiles plus ou moins durcies, et qui ne contiennent que très peu de bitume et de mica ; la seconde, des schistes qui, comme l’ardoise, sont mêlés de beaucoup de mica et d’une assez grande quantité de bitume pour en exhaler l’odeur au feu ; la troisième, des schistes où le bitume est en telle abondance, qu’ils brûlent à peu près comme les charbons de terre de mauvaise qualité ; et enfin les schistes pyriteux, qui sont les plus durs de tous dans leur carrière, mais qui se décomposent dès qu’ils en sont tirés, et s’effleurissent à l’air et par l’humidité. Ces schistes, mêlés et pénétrés de matière pyriteuse, ne sont pas si communs que les schistes imprégnés de bitume ; néanmoins on en trouve des couches et des bancs très considérables en quelques endroits[1]. Nous verrons dans la suite que cette matière pyriteuse est très abondante à la surface et dans les premières couches de la terre.

    et que l’on a descendu environ cinquante toises dans un petit vallon, on trouve des rochers de schiste et d’ardoise propres à couvrir les maisons : le milieu du cap de Morèse, qui regarde le levant, est de talc ; les rochers qui commencent à la rivière d’Arre, et qui se continuent jusqu’au pont de l’Arbon, sont de schiste très dur et d’ardoise qui s’exfolie aisément : cette étendue peut avoir environ une demi-lieue en longueur et largeur ; dès qu’on est parvenu à mi-côte… on trouve de grandes tables de schistes, qui composent la couverture du terrain schisteux et ardoisé : ce schiste est ordinairement très dur, parsemé dans toutes ses parties d’un quartz également très dur, et qui forme avec lui une liaison intime… Ces rochers schisteux se divisent par couches, depuis quatre lignes jusqu’à trois pouces d’épaisseur ; ils sont presque toujours dans des bas-fonds, ensevelis à un ou deux pieds dans la terre. Le rocher qui donne de l’ardoise tendre prend toujours de la dureté quand elle est exposée à l’air ; toutes les maisons de ces cantons sont couvertes de cette ardoise. Lorsqu’on monte sur la montagne de l’Espéron, qui commence au cap de Coste, situé sur le chemin qui se trouve presque au haut de la montagne, on observe que le rocher n’est que de schiste ou d’ardoise ; il se continue sur toute la surface de la montagne qui est vis-à-vis de Montpellier, au-dessus du logis du cap de Coste : la plus grande partie du terrain est d’ardoise assez tendre. Mémoires de M. Montet dans ceux de l’Académie des sciences, année 1777, p. 640.

  1. « Plus on avance, dit M. Monnet, vers la Ferrière-Bechet en Normandie, plus la roche de cette chaîne de collines devient schisteuse, et, lorsqu’on est parvenu dans le village, on trouve que la roche a fait un saut considérable ; car on ne voit alors qu’un schiste noir et feuilleté, en un mot, un vrai schiste pyriteux… La couleur noire de cette substance, qui paraissait au jour, fit croire à différents particuliers qu’elle était de même nature que le crayon noir… Le curé de la Ferrière-Bechet fit fouiller dans sa cour, où ce prétendu crayon paraissait le meilleur, c’est-à-dire le plus noir… Mais, tandis qu’il formait des projets de fortune, on s’aperçut que les traces que l’on faisait avec cette matière disparaissaient, et que cette même matière, mise en tas, s’échauffait et tombait en poussière, que les eaux qui les avaient lavées étaient vitrioliques et alumineuses…

    » Par tout ce que nous venons de dire, on voit que le schiste de la Ferrière-Bechet diffère essentiellement de beaucoup de schistes colorés et de beaucoup d’autres qui ne le sont pas : on a donc eu grand tort de le confondre avec eux, et surtout de lui attribuer les mêmes qualités, comme d’engraisser les terres… Quelques particuliers ayant mis de cette matière dans leurs champs, elle y brûla tout en fleurissant. » Mémoire sur la carrière de schiste de la Ferrière-Bechet ; Journal de Physique, mois de septembre 1777, p. 214 et suiv.