Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 3.pdf/88

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’elle prend, ainsi que toutes les glaises, à un certain degré de feu, achève de démontrer que le fer est le principe de leurs différentes couleurs.

Toutes les glaises se durcissent au feu, et peuvent même y acquérir une si grande dureté qu’elles étincellent par le choc de l’acier : dans cet état, elles sont plus voisines de celui de la liquéfaction, car on peut les fondre et les vitrifier d’autant plus aisément qu’elles sont plus recuites au feu. Leur densité augmente à mesure qu’elles éprouvent une chaleur plus grande, et, lorsqu’on les a bien fait sécher au soleil, elles ne perdent ensuite que très peu de leur poids spécifique, au feu même le plus violent. On a observé, en réduisant en poudre une masse d’argile cuite, que ses molécules avaient perdu leur qualité spongieuse, et qu’elles ne peuvent reprendre leur première ductilité.

Les hommes ont très anciennement employé l’argile cuite en briques plates pour bâtir, et en vaisseaux creux pour contenir l’eau et les autres liqueurs ; et il paraît, par la comparaison des édifices antiques, que l’usage de l’argile cuite a précédé celui des pierres calcaires ou des matières vitreuses, qui, demandant plus de temps et de travail pour être mises en œuvre, n’auront été employées que plus tard, et moins généralement que l’argile et la glaise, qui se trouvent partout, et qui se prêtent à tout ce qu’on veut en faire.

La glaise forme l’enveloppe de la masse entière du globe ; les premiers lits se trouvent immédiatement sous la couche de terre végétale, comme sous les bancs calcaires auxquels elle sert de base : c’est sur cette terre ferme et compacte que se rassemblent tous les filets d’eau qui descendent par les fentes des rochers ou qui se filtrent à travers la terre végétale. Les couches de glaise, comprimées par le poids des couches supérieures et étant elles-mêmes d’une grande épaisseur, deviennent impénétrables à l’eau, qui ne peut qu’humecter leur première surface ; toutes les eaux qui arrivent à cette couche argileuse, ne pouvant la pénétrer, suivent la première pente qui se présente, et sortent en forme de sources entre le dernier banc des rochers et le premier lit de glaise ; toutes les fontaines proviennent des eaux pluviales infiltrées et rassemblées sur la glaise, et j’ai souvent observé que l’humidité retenue par cette terre est infiniment favorable à la végétation. Dans les étés les plus secs, comme celui de cette année 1778, les plantes agrestes et surtout les arbres avaient perdu presque toutes leurs feuilles, dès les premiers jours de septembre, dans toutes les contrées dont les terrains sont de sable, de craie, de tuf ou de ces matières mélangées, tandis que dans les pays dont le fond est de glaise, ils ont conservé leur verdure et leurs feuilles. Il n’est pas même nécessaire que la glaise soit immédiatement sous la terre végétale pour qu’elle puisse produire ce bon effet, car dans mon jardin, dont la terre végétale n’a que trois ou quatre pieds de profondeur, et se trouve posée sur un plateau de pierre calcaire de cinquante-quatre pieds d’épaisseur, les charmilles élevées de vingt pieds, et les arbres hauts de quarante, étaient aussi verts que ceux du vallon après deux mois de sécheresse, parce que ces rochers de cinquante-quatre pieds d’épaisseur, portant sur la glaise, en laissent passer par leurs fentes perpendiculaires les émanations humides qui rafraîchissent continuellement la terre végétale où ces arbres sont plantés.

La glaise retient donc constamment à sa superficie une partie des eaux infiltrées dans les terres supérieures ou tombées par les fentes des rochers, et ce n’est que du superflu de ces eaux que se forment les sources et les fontaines qui sourdissent au pied des collines ; toute l’eau que la glaise peut admettre dans sa propre substance, toute celle qui peut descendre des couches supérieures aux couches inférieures, par les petites fentes qui les divi-

    et que les parties les plus fixes de ce sel se sont ramassées sur la superficie et s’y sont converties en colcotar, ce qui paraît prouver que cette argile aurait été blanche si elle n’eût été mêlée avec aucune autre matière, et que la matière qui la colorait était le vitriol. » Note communiquée par M. Nadault.