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ou blanchâtres, et dans certains granits et plusieurs porphyres le feldspath ne se distingue pas du quartz par la couleur[1].

Les sommets des montagnes graniteuses sont généralement plus élevés que les montagnes schisteuses ou calcaires : ces sommets paraissent n’avoir jamais été surmontés ni travaillés par les eaux, dont la plus grande hauteur nous est indiquée par les bancs calcaires les plus élevés, car on ne trouve aucun indice de coquilles ou d’autres productions marines dans l’intérieur de ces granits primitifs, à quelque niveau qu’on les prenne, comme jamais aussi l’on ne voit de bancs calcaires interposés dans les masses de granit, ni de granits posés sur des couches calcaires, si ce n’est par fragments roulés et transportés[2], ou par bancs de seconde formation. Tous ces faits importants de l’histoire du globe ne sont que des conséquences nécessaires de l’ordre dans lequel nous venons de voir les grandes formations du feu précéder universellement l’ouvrage des eaux.

Les couches que l’eau a déposées sont étendues horizontalement, et c’est dans ce sens, c’est-à-dire en longueur et largeur, que se présentent leurs plus grandes dimensions ; les granits au contraire, et tous les autres ouvrages du feu sont groupés en hauteur ; leurs pyramides ont toujours plus d’élévation que de base[3]. Il y a de ces masses ou pyra-

  1. Le granito grigio ou bigio est gris, composé de quartz transparent ou opaque et couleur de lait, de spath dur blanc et de mica noir ; lorsque toutes ses parties sont en petits grains, on en nomme l’assemblage granitello… Le granito rosso, ou granit rouge, est composé de quartz blanc, de grands morceaux de spath dur rouge et de mica noir… Quelques colonnes de granit et de granitello sont clairement parsemées de petites taches noires provenant d’un amas de mica plus grand et plus fréquent dans ces endroits ; telles sont les colonnes de la façade du Palais royal de Naples, du côté de la mer ; telles sont aussi celles de granit gris antique que j’ai vues à Salerne. Ferber, Lettres sur la Minéralogie, p. 343 et suiv.

    Les différentes couleurs dont le feldspath est susceptible sont, dans le granit, la source d’un nombre de variétés : celle qu’il présente le plus communément est un blanc laiteux ; mais on le voit aussi jaune ou fauve, rouge, violet, et rarement, mais pourtant quelquefois d’un beau noir. Voyage dans les Alpes, par M. de Saussure, t. Ier, p. 105.

  2. « Il y a de gros morceaux de granit, de quartz et d’autres pierres, qui viennent des montes primarii du Tyrol, épars sur les champs des environs de Gallio d’Asiago, de Camporovere et d’autres endroits, tous situés dans la montagne… Ces morceaux sont de même nature que ceux qu’entraînent dans leur cours l’Adige et la Brenta en sortant des montagnes du Tyrol ; et il faut concevoir que le cours de ces rivières, avant qu’elles n’eussent approfondi leurs vallées, était au niveau de ces morceaux détachés des montagnes, et qui n’ont pu être entraînés et transportés sur ces couches calcaires que par les eaux. » Lettres sur la Minéralogie, par M. Ferber, p. 54.

    « Arrivés au milieu de la vallée d’Urseren (au mont Saint-Gothard), nous tournâmes à gauche, et nous montâmes dans une vallée plus élevée, dont les profondeurs sont jonchées de ruines de montagnes renversées. La Reuss, resserrée des deux côtés entre d’immenses blocs de granit d’une superbe couleur grise, confusément accumulés, et qui sont des fragments de celui qui a forme tous les sommets des Alpes, s’élance à travers ces débris avec une inconcevable rapidité. » Lettres sur la Suisse, par M. Will. Coxe, t. Ier, p. 128.

  3. « Si l’on consulte les auteurs qui ont parlé de la structure des montagnes de granit, on verra que presque tous disent que les pierres de ce genre se trouvent en masse informe, entassées sans aucun ordre : la source de ce préjugé vient principalement de ce qu’on a cru trouver du désordre partout où l’on n’a pas vu des couches horizontales ; mais tout homme qui observera en grand, et sans aucune prévention, la structure de ces hautes chaînes de montagnes de granit, reconnaîtra qu’elles sont composées de grandes lames ou feuillets pyramidaux appuyés les uns contre les autres… Ces feuillets sont tous à peu près verticaux ; ceux du centre ou du cœur de la chaîne le sont presque toujours ; mais les autres, à mesure qu’ils s’en éloignent, s’inclinent en s’appuyant contre ce même centre. » Saussure, Voyage dans les Alpes, t. Ier, p. 502.