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il ne contracte aucune union avec toutes les substances formées par l’intermède de l’eau, car on ne le trouve pas cristallisé dans les grès, et, s’il y est quelquefois mêlé, ce n’est qu’en petits fragments. Le grès pur n’en contient point du tout, et la preuve en est que ce grès est aussi infusible que le quartz, et qu’il serait fusible si sa substance était mêlée de feldspath ; il en est de même de l’argile blanche de Limoges, qui est tout aussi réfractaire au feu que le quartz ou le grès pur, et qui par conséquent n’est pas composée de détriments de feldspath, quoiqu’on y trouve de petits morceaux isolés de ce spath, qui n’est pas réduit en poudre comme le quartz dont cette argile paraît être une décomposition.

Le grès pur n’étant formé que de grains de quartz agglutinés[NdÉ 1], tous deux ne sont qu’une seule et même substance, et ceci semble prouver encore que le feldspath n’a pu s’unir avec le quartz et le jaspe que dans un état de liquéfaction par le feu, et que, quand il est décomposé par l’eau, il ne conserve aucune affinité avec le quartz, et qu’il ne reprend pas dans cet élément la propriété qu’il eut dans le feu de se cristalliser, puisque nulle part dans le grès on ne trouve ce spath sous une forme distincte ni cristallisée de nouveau, quoiqu’on ne puisse néanmoins douter que les grès feuilletés et micacés, qui sont formés des sables graniteux, ne contiennent aussi les détriments du feldspath en quantité peut-être égale à ceux du quartz.

Et puisque ce spath ne se trouve qu’en très petit volume et toujours mêlé par petites masses, et comme par doses, dans les porphyres et granits, il paraît n’avoir coulé dans ces matières et ne s’être uni à leur substance que comme un alliage additionnel auquel il ne fallait qu’un moindre degré de feu pour demeurer en fusion, et l’on ne doit pas être surpris que, dans la vitrification générale, le feldspath et le schorl, qui se sont formés les derniers, et qui ont reçu dans leur composition les parties hétérogènes qui tombaient de l’atmosphère, n’aient pris en même temps beaucoup plus de fusibilité que les trois autres premiers verres dont la substance n’a été que peu ou point mélangée ; d’ailleurs ces deux derniers verres sont demeurés plus longtemps liquides que les autres, parce qu’il ne leur fallait qu’un moindre degré de feu pour les tenir en fusion : ils ont donc pu s’allier avec les fragments décrépités et les exfoliations du quartz et du jaspe, qui déjà étaient à demi consolidés.

Au reste, le feldspath, qui n’a été bien connu en Europe que dans ces derniers temps, entrait néanmoins dans la composition des anciennes porcelaines de la Chine, sous le nom de petunt-zé ; et aujourd’hui nous l’employons de même pour nos porcelaines, et pour faire les émaux blancs des plus belles faïences.

Dans les porphyres et les granits, le feldspath est cristallisé tantôt régulièrement en rhombes, et quelquefois confusément et sans figure déterminée ; nous n’en connaissions que de deux couleurs, l’un blanc ou blanchâtre, et l’autre rouge ou rouge violet ; mais on a découvert depuis peu un feldspath vert qui se trouve, dit-on, dans l’Amérique septentrionale, et auquel on a donné le nom de pierre de Labrador. Cette pierre, dont on n’a vu que de petits échantillons, est chatoyante, et composée, comme le feldspath, de cristaux en rhombes ; elle a de même la cassure spathique, elle se fond aussi aisément, et se convertit comme le feldspath en un verre blanc : ainsi l’on ne peut douter que cette pierre ne soit de la même nature que ce spath, quoique sa couleur soit différente ; cette couleur est d’un assez beau vert, et quelquefois d’un vert bleuâtre et toujours à reflets chatoyants. La grande dureté de cette pierre la rend susceptible d’un très beau poli ; et il serait à désirer qu’on pût l’employer comme le jaspe ; mais il y a toute apparence qu’on ne la trouvera pas en grandes masses, puisqu’elle est de la même nature que le feldspath, qui ne s’est trouvé nulle part en assez grand volume pour en faire des vases ou des plaques de quelques pouces d’étendue.


  1. Les grains de quartz qui forment le grès sont agglutinés par un ciment siliceux ou par un ciment calcaire.