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le Groenland[1]. Quelques voyageurs m’ont dit qu’il y en a des montagnes entières dans la haute Égypte, à quelques lieues de distance de la rive orientale du Nil. Il s’en trouve dans plusieurs endroits des Grandes-Indes, ainsi qu’à la Chine[2], et dans d’autres provinces de l’Asie ; on en a vu de même en assez grande quantité, et de plusieurs couleurs différentes, dans les hautes montagnes de l’Amérique[3].

Plusieurs jaspes sont d’une seule couleur verte, rouge, jaune, grise, brune, noire et même blanche, et d’autres sont mélangés de ces diverses couleurs : on les nomme jaspes tachés, jaspes veinés, jaspes fleuris, etc. Les jaspes verts et les rouges sont les plus communs ; le plus rare est le jaspe sanguin, qui est d’un beau vert foncé avec de petites taches d’un rouge vif et semblables à des gouttes de sang, et c’est de tous les jaspes celui qui reçoit le plus beau poli. Le jaspe d’un beau rouge est aussi fort rare, et il y en a de seconde formation, puisqu’un morceau de ce jaspe rouge, cité par M. Ferber, contenait des impressions de coquilles[4]. Tous les jaspes qui ne sont pas purs et simples, et qui sont mélangés de matières étrangères, sont aussi de seconde formation, et l’on ne doit pas les confondre avec ceux qui ont été produits par le feu primitif, lesquels sont d’une substance uniforme, et ne sont ordinairement que d’une seule couleur dans toute l’épaisseur de leur masse.

Le jade[NdÉ 1], que plusieurs naturalistes ont regardé comme un jaspe, me paraît approcher beaucoup plus de la nature du quartz[5] ; il est aussi dur, il étincelle de même par le choc de l’acier ; il résiste également aux acides, à la lime et à l’action du feu ; il a aussi un peu de transparence, il est doux au toucher et ne prend jamais qu’un poli gras[6]. Tous ces

  1. M. Crantz a vu, dans les montagnes du Groenland, du jaspe, soit jaune, soit rouge, avec des veines d’une blancheur transparente. Hist. géner. des voyages, t. XIX, p. 29.
  2. Le jaspe est fort recherché à la Chine… on en fait des vases… et diverses sortes de bijoux… ce jaspe se nomme thuse dans le pays. On en distingue de deux espèces, dont l’une, qui est précieuse, est une sorte de gros cailloux qui se pèche dans la rivière de Kotau près de la ville royale de Kashgar… L’autre sorte se tire des carrières pour être scié en pièces d’environ deux pouces de large. Hist. génér. des voyages, t. VII, p. 415. — Les montagnes de Tsengar, situées à l’une des extrémités septentrionales du Japon, fournissent des cornalines et du jaspe. Ibid., t. X, p. 656.
  3. Entre les minéraux de la Nouvelle-Espagne, on vante une espèce de jaspe que les Mexicains nomment eztetl, de couleur d’herbe, avec quelques petites taches de sang… Il s’en trouve une autre qu’ils appellent iztlia, yotti quartzalitztli moucheté de blanc… une troisième nommée tliayetic, de couleur plus obscure et sans taches, mais plus pesante, qui, appliquée sur le nombril, guérit les plus douloureuses coliques (ceci est vraisemblablement le jade, qu’on a nommé pierre néphrétique)… Les montagnes de Contacomapa et de Gualtepeque, à peu de distance de Chiautla, au Mexique, fournissent un beau jaspe vert qui approche du porphyre. Hist. génér. des voyages, t. XII, p. 656. Le gouvernement de Sainte-Marthe a des carrières de jaspe et de porphyre, qui se trouvent dans la province de Tairona. Ibid., t. XIV, p. 405.
  4. « Le P. Vigo, dominicain, à Morano, près de Venise, me fit voir, outre les coquilles pétrifiées dans du jaspe rouge mêlé de quartz des environs de Brescia…, des pétrifications et des impressions de cornes d’Ammon, dans une pierre de corne ou pierre à fusil grise de l’île de Cérigo dans l’Archipel, qui appartient aux Vénitiens. » Lettres sur la Minéralogie, par M. Ferber, p. 33.
  5. M. de Saussure dit avoir remarqué, dans certains granits, que « le quartz y semble changer de nature, devenir plus dense et plus compact, et prendre par gradations les caractères du jade. » Voyage dans les Alpes, t. Ier, p. 104.
  6. L’igiada des minéralogistes italiens paraît être une espèce de jade ; mais, si cela est, M. Ferber a tort de regarder l’igiada comme un produit de la pierre ollaire verte ; il y aurait bien plus de raison de regarder la pierre ollaire comme une décomposition de la substance du jade en pâte argileuse. Voyer Ferber, p. 119.
  1. Le jade est un silicate double d’alumine et de calcium. [Note de Wikisource : En réalité, il faut distinguer deux variétés de jade : la jadéite, la plus rare, un silicate d’aluminium et de sodium ; et la néphrite, la plus commune, un silicate de magnésium/fer et de calcium. Elles ne doivent être rapprochées ni du quartz ni du jaspe, que ce soit du point de vue de leur composition ou de celui de leur structure cristalline.]