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avec la pierre calcaire, et tous deux ont également été transportés et déposés par le mouvement des eaux.

Avant de terminer cet article du quartz, je dois remarquer que j’ai employé partout, dans mes Discours sur la théorie de la terre et dans ceux des époques de la nature, le mot de roc vif pour exprimer la roche quartzeuse de l’intérieur du globe et du noyau des montagnes ; j’ai préféré le nom de roc vif à celui du quartz, parce qu’il présente une idée plus familière et plus étendue, et que cette expression, quoique moins précise, suffisait pour me faire entendre ; d’ailleurs, j’ai souvent compris sous la dénomination de roc vif non seulement le quartz pur, mais aussi le quartz mêlé de mica, les jaspes, porphyres, granits et toutes les roches vitreuses en grandes masses que le feu ne peut calciner, et qui par leur dureté étincellent avec l’acier. Les rocs vitreux primitifs diffèrent des rochers calcaires non seulement par leur essence, mais aussi par leur disposition ; ils ne sont pas posés par bancs ou par couches horizontales, mais ils sont en pleines masses comme s’ils étaient fondus d’une seule pièce[1], autre preuve qu’ils ne tirent pas leur origine du transport et du dépôt des eaux. La dénomination générique de roc vif suffisait aux objets généraux que j’avais à traiter ; mais aujourd’hui qu’il faut entrer dans un plus grand détail, nous ne parlerons du roc vif que pour le comparer quelquefois à la roche morte, c’est-à-dire à ce même roc quand il a perdu sa dureté et sa consistance par l’impression des éléments humides à la surface de la terre, ou lorsqu’il a été décomposé dans son sein par les vapeurs minérales.

Je dois encore avertir que quand je dis et dirai que le quartz, le jaspe, l’argile pure, la craie et d’autres matières sont infusibles, et qu’au contraire le feldspath, le schorl, la glaise ou argile impure, la terre limoneuse et d’autres matières sont fusibles, je n’entends jamais qu’un degré relatif de fusibilité ou d’infusibilité ; car je suis persuadé que tout dans la nature est fusible, puisque tout a été fondu, et que les matières qui, comme le quartz et le jaspe, nous paraissent les plus réfractaires à l’action de nos feux, ne résisteraient pas à celle d’un feu plus violent. Nous ne devons donc pas admettre, en histoire naturelle, ce caractère d’infusibilité dans un sens absolu, puisque cette propriété n’est pas essentielle, mais dépend de notre art et même de l’imperfection de cet art, qui n’a pu nous fournir encore les moyens d’augmenter assez la puissance du feu pour refondre quelques-unes de ces mêmes matières fondues par la nature.

Nous avons dit ailleurs[2] que le feu s’employait de trois manières, et que dans chacune les effets et le produit de cet élément étaient très différents : la première de ces manières est d’employer le feu en grand volume, comme dans les fourneaux de réverbère pour la verrerie et pour la porcelaine ; la seconde, en plus petit volume, mais avec plus de vitesse au moyen des soufflets ou des tuyaux d’aspiration, et la troisième en très petit volume, mais en masse concentrée au foyer des miroirs : j’ai éprouvé, dans un fourneau de glacerie[3], que le feu en grand volume ne peut fondre la mine de fer en grains, même en y ajoutant des fondants[4] ; et néanmoins le feu, quoiqu’en moindre volume, mais animé par l’air des soufflets, fond cette même mine de fer sans addition d’aucun fondant. La troisième manière par laquelle on concentre le volume du feu au foyer des miroirs ardents est la plus puissante et en même temps la plus sûre de toutes, et l’on verra, si je puis achever mes expériences au miroir à échelons, que la plupart des matières regardées

  1. « Dans les plus hautes montagnes, on ne rencontre point le roc par bancs ; il est solide partout et comme s’il était fondu d’une pièce. » Instruction sur l’art des mines, par M. Delius, traduite de l’allemand, t. Ier, p. 7.
  2. T. II, p. 236 et suiv.
  3. À Rouelle, en Bourgogne, où il se fait de très belles glaces.
  4. T. II, p. 238 et suiv.