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de l’opacité à la transparence par nuances, comme on le voit dans plusieurs montagnes, et particulièrement dans celles des Vosges, où M. l’abbé Bexon nous assure avoir observé le quartz dans plusieurs états différents : il y a trouvé des quartz opaques ou laiteux, et d’autres transparents ou demi-transparents ; les uns disposés par veines et d’autres par blocs, et même par grandes masses, faisant partie des montagnes ; et tous ces quartz sont souvent accompagnés de leurs cristaux, colorés ou non colorés. M. Guettard a observé les grands rochers de quartz blancs de Chipelu et d’Oursière[1] en Dauphiné, et il fait aussi mention des quartz des environs d’Allevard, dans cette même province. M. Bowles rapporte que dans le terrain de la Nata, en Espagne, il y a une veine de quartz qui sort de la terre, s’étend à plus d’une demi-lieue, et se perd ensuite dans la montagne ; il dit avoir coupé un morceau de ce quartz qui était à demi transparent et presque aussi fin que du cristal de roche ; il forme comme une bande ou ruban de quatre doigts de large, entre deux lisières d’un autre quartz plus obscur ; et le long de cette même veine il se trouve des morceaux de quartz couverts de cristaux réguliers de couleur de lait[2]. M. Guettard a trouvé de semblables cristaux sur le quartz en Auvergne : la plupart de ces cristaux étaient transparents et quelques-uns étaient opaques, bruns et jaunâtres, ordinairement très distingués les uns des autres, souvent hérissés de beaucoup d’autres cristaux très petits, parmi lesquels il y en avait plusieurs d’un beau rouge de grenat. Il en a vu de même sur les bancs de granit, et lorsque ces cristaux sont transparents et violets, on leur donne en Auvergne le nom d’améthyste, et celui d’émeraude lorsqu’ils sont verts[3]. Je dois observer ici, pour éviter toute erreur, que l’améthyste est en effet un cristal de roche coloré, mais que l’émeraude est une pierre très différente, qu’on ne doit pas mettre au nombre des cristaux, parce qu’elle en diffère essentiellement dans sa composition, l’émeraude étant formée de lames superposées, au lieu que le cristal et l’améthyste sont composés de prismes réunis. Et d’ailleurs cette prétendue émeraude ou cristal vert d’Auvergne n’est autre chose qu’un spath fluor, qui est, à la vérité, une substance vitreuse, mais différente du cristal.

On trouve souvent du quartz en gros blocs détachés du sommet ou séparés du noyau des montagnes ; M. Montel, habile minéralogiste, parle de semblables masses qu’il a vues dans les Cévennes, au diocèse d’Alais. « Ces masses de quartz, dit-il, n’affectent aucune figure régulière, leur couleur est blanche, et comme ils n’ont que peu de gerçures, ils n’ont été pénétrés d’aucune terre colorée ; ils sont opaques, et, quand on les casse, ils se divisent en morceaux inégaux, anguleux… La fracture représente une vitrification ; elle est luisante et réfléchit les rayons de lumière, surtout si c’est un quartz cristallin, car on en trouve quelquefois de cette espèce parmi ces gros morceaux. On ne voit point de quartz d’une forme ronde dans ces montagnes ; il ne s’en trouve que dans les rivières ou dans les ruisseaux, et il n’a pris cette forme qu’à force de rouler dans le sable[4]. »

Ces quartz en morceaux arrondis et roulés, que l’on trouve dans le lit et les vallées des rivières qui descendent des grandes montagnes primitives, sont les débris et les restes des veines ou masses de quartz qui sont tombées de la crête et des flancs de ces mêmes montagnes, minées et en partie abattues par le temps ; et non seulement il se trouve une très grande quantité de quartz en morceaux arrondis dans le lit de ces rivières, mais souvent on voit sur les collines voisines des couches entières composées de ces cailloux de quartz arrondis et roulés par les eaux[5] : ces collines ou montagnes inférieures sont évidemment de seconde formation ; et quelquefois ces quartz roulés s’y trouvent mêlés

  1. Mém. sur la minéralogie du Dauphiné, p. 30 et 45.
  2. Hist. nat. d’Espagne, par M. Bowles, t. Ier, p. 448 et 449.
  3. Mém. de l’Académie des Sciences, année 1759.
  4. Mém. de l’Académie des Sciences, année 1762, p. 639.
  5. Hist. nat. d’Espagne, par M. Bowles, p. 179 et 188.