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à l’action des acides et du feu ; il n’est pas tout à fait aussi dur que le quartz, et il est presque toujours fortement coloré ; mais ces différences ne doivent pas nous empêcher de regarder le jaspe en grande masse comme un produit du feu et comme le second verre primitif, puisqu’on n’y voit aucune trace de composition, ni d’autre indice de mélange que celui des parties métalliques qui l’ont coloré ; du reste, il est d’une essence aussi pure que le quartz, qui lui-même a reçu quelquefois des couleurs et particulièrement le rouge du fer. Ainsi dans le temps de la vitrification générale, les quartz et jaspes, qui en sont les produits les plus simples, n’ont reçu par sublimation ou par mixtion qu’une petite quantité de particules métalliques dont ils sont colorés ; et la rareté des jaspes, en comparaison du quartz, vient peut-être de ce qu’ils n’ont pu se former que dans les endroits où il s’est trouvé des matières métalliques, au lieu que le quartz a été produit en tous lieux. Quoi qu’il en soit, le quartz et le jaspe sont réellement les deux substances vitreuses les plus simples de la nature, et nous devons dès lors les regarder comme les deux premiers verres qu’elle ait produits.

L’infusibilité, ou plutôt la résistance à l’action du feu, dépend en entier de la pureté ou simplicité de la matière : la craie et l’argile pures[NdÉ 1] sont aussi infusibles que le quartz et le jaspe ; toutes les matières mixtes ou composées sont au contraire très aisément fusibles. Nous considérerons donc d’abord le quartz et le jaspe comme étant les deux matières vitreuses les plus simples ; ensuite nous placerons le mica, qui, étant un peu moins réfractaire au feu, paraît être un peu moins simple ; et enfin nous présenterons le feldspath et le schorl, dont la grande fusibilité semble démontrer que leur substance est mélangée ; après quoi nous traiterons des matières composées de ces cinq substances primitives, lesquelles ont pu se mêler et se combiner ensemble deux à deux, trois à trois, ou quatre à quatre, et dont le mélange a réellement produit toutes les autres matières vitreuses en grandes masses.

Nous ne mettrons pas au nombre des substances du mélange celles qui donnent les couleurs à ces différentes matières, parce qu’il ne faut qu’une si petite quantité de métal pour colorer de grandes masses, qu’on ne peut regarder la couleur comme partie intégrante d’aucune substance ; et c’est par cette raison que les jaspes peuvent être regardés comme aussi simples que le quartz, quoiqu’ils soient presque toujours fortement colorés. Ainsi nous présenterons d’abord ces cinq verres primitifs ; nous suivrons leurs combinaisons et leurs mélanges entre eux ; et, après avoir traité de ces grandes masses vitreuses formées et fondues par le feu, nous passerons à la considération des masses argileuses et calcaires qui ont été produites et entassées par le mouvement des eaux.




DU QUARTZ.

Le quartz est le premier des verres primitifs ; c’est même la matière première dont on peut concevoir qu’est formée la roche intérieure du globe ; ses appendices extérieurs, qui servent de base et de noyau aux plus grandes éminences de la terre, sont aussi de cette même matière primitive : ces noyaux des plus hautes montagnes se sont trouvés d’abord environnés et couverts des fragments décrépités de ce premier verre, ainsi que des écailles du jaspe, des paillettes du mica et des petites masses cristallisées du feldspath et du schorl, qui dès lors ont formé par leur réunion les grandes masses de granit, de porphyre, et de toutes les autres roches vitreuses composées de ces premières matières produites

  1. La « craie et l’argile pure » ne sont cependant pas des corps simples. [Note de Wikisource : Et inversement, le soufre par exemple est un corps pur très aisément fusible.]