Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 3.pdf/26

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



DES VERRES PRIMITIFS.


Si l’on pouvait supposer que le globe terrestre, avant sa liquéfaction, eût été composé des mêmes matières qu’il l’est aujourd’hui, et qu’ayant tout à coup été saisi par le feu, toutes ces matières se fussent réduites en verre, nous aurions une juste idée des produits de la vitrification générale, en les comparant avec ceux des vitrifications particulières qui s’opèrent sous nos yeux par le feu des volcans ; ce sont des verres de toutes sortes, très différents les uns des autres par la densité, la dureté, les couleurs, depuis les basaltes et les laves les plus solides et les plus noires jusqu’aux pierres ponces les plus blanches, qui semblent être les plus légères de ces productions de volcans ; entre ces deux termes extrêmes, on trouve tous les autres degrés de pesanteur et de légèreté dans les laves plus ou moins compactes, et plus ou moins poreuses ou mélangées ; de sorte qu’en jetant un coup d’œil sur une collection bien rangée de matières volcaniques, on peut aisément reconnaître les différences, les degrés, les nuances, et même la suite des effets et du produit de cette vitrification par le feu des volcans : dans cette supposition, il y aurait eu autant de sortes de matières vitrifiées par le feu primitif que par celui des volcans, et ces matières seraient aussi de même nature que les pierres ponces, les laves et les basaltes ; mais le quartz et les matières vitreuses de la masse du globe étant très différents de ces verres de volcans, il est évident qu’on n’aurait qu’une fausse idée des effets et des produits de la vitrification générale si l’on voulait comparer ces matières primitives aux productions volcaniques.

Ainsi la terre, lorsqu’elle a été vitrifiée, n’était point telle qu’elle est aujourd’hui, mais plutôt telle que nous l’avons dépeinte à l’époque de sa formation[1] ; et, pour avoir une idée plus juste des effets et du produit de la vitrification générale, il faut se représenter le globe entier pénétré de feu et fondu jusqu’au centre, et se souvenir que cette masse en fusion, tournant sur elle-même, s’est élevée sous l’équateur par la force centrifuge, et en même temps abaissée sous les pôles, ce qui n’a pu se faire sans former des cavernes et des boursouflures dans les couches extérieures à mesure qu’elles prenaient de la consistance : tâchons donc de concevoir de quelle manière les matières vitrifiées ont pu se disposer et devenir telles que nous les trouvons dans le sein de la terre.

Toute la masse du globe, liquéfiée par le feu, ne pouvait d’abord être que d’une substance homogène et plus pure que celle de nos verres ou des laves de volcan, puisque toutes les matières qui pouvaient se sublimer étaient alors reléguées dans l’atmosphère avec l’eau et les autres substances volatiles : ce verre homogène et pur nous est représenté par le quartz[NdÉ 1], qui est la base de toutes les autres matières vitreuses ; nous devons donc le regarder comme le verre primitif : sa substance est simple, dure et résistante à toute

  1. Voyez la première époque.
  1. Le quartz pur est formé d’acide silicique. [Note de Wikisource : Au xixe siècle, les chimistes pensaient que les silicates, dont le quartz, étaient des sels d’acides siliciques plus ou moins hypothétiques. Nous savons aujourd’hui qu’il n’en est rien, et que le quartz est la forme cristallisée de la silice SiO2.]