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ne sont pas calcinables, et encore les sables vitreux, les argiles, les schistes, les ardoises et toutes les autres matières provenant de la décomposition et des débris des matières primitives que l’eau aura délayées, dissoutes ou dénaturées.

La seconde classe comprend les matières qui ont subi une seconde action du feu, et qui ont été frappées par les foudres de l’électricité souterraine ou fondues par le feu des volcans, dont les grosses masses sont les laves, les basaltes, les pierres ponces, les pouzzolanes et les autres matières volcaniques, qui nous présentent en petit des produits assez semblables à ceux de l’action du feu primitif[NdÉ 1] ; et ces deux classes sont celles de la nature brute, car toutes les matières qu’elles contiennent ne portent que peu ou point de traces d’organisation.

La troisième classe contient les substances calcinables, les terres végétales, et toutes les matières formées du détriment et des dépouilles des animaux et des végétaux, par l’action ou l’intermède de l’eau, dont les grandes masses sont les rochers et les bancs des marbres, des pierres calcaires, des craies, des plâtres, et la couche universelle de terre végétale qui couvre la surface du globe, ainsi que les couches particulières de tourbes, de bois fossiles et de charbons de terre qui se trouvent dans son intérieur[NdÉ 2].

C’est surtout dans cette troisième classe que se voient tous les degrés et toutes les nuances qui remplissent l’intervalle entre la matière brute et les substances organisées ; et cette matière intermédiaire[NdÉ 3], pour ainsi dire

  1. Buffon voyait juste quand il considérait les roches éruptives rejetées par les volcans actuels comme constituées par des matières empruntées à la surface du globe, ayant « subi une seconde action du feu ».
  2. Cette troisième classe contient, il est vrai, des substances très différentes les unes des autres, notamment les calcaires et les charbons de terre ; mais, ainsi que l’a fait remarquer Buffon, les animaux ou les végétaux sont intervenus dans la formation des unes et des autres.
  3. L’expression de « matière intermédiaire, pour ainsi dire, mi-partie de brute et d’organique », est erronée. On serait d’abord tenté de croire que Buffon en fait usage pour exprimer la pensée que les matières formant sa troisième classe doivent leur origine aux êtres vivants, mais il indique un peu plus loin sa véritable pensée quand il dit : « Comme la terre végétale et toutes les substances calcinables contiennent beaucoup plus de parties organiques que les autres matières produites ou dénaturées par le feu, ces parties organiques, toujours actives, ont fait de fortes impressions sur la matière brute et passive ; elles en ont travaillé toutes les surfaces et quelquefois pénétré l’épaisseur… ; l’eau développe, délaie, entraîne et dépose ces éléments organiques sur les matières brutes ; aussi, la plupart des minéraux figurés ne doivent leurs différentes formes qu’au mélange et aux combinaisons de cette matière active avec l’eau qui lui sert de véhicule. »

    Il va développer ensuite cette idée que les molécules organiques provenant des animaux et des végétaux et restées actives après la mort et la décomposition de ces êtres, servent à donner à la matière inorganique « les premiers traits de l’organisation, en lui donnant la forme extérieure ». D’après sa théorie, les minéraux n’ont de forme déterminée que grâce à ce qu’ils sont additionnés de molécules organiques ; tous ceux qui n’ont pas de forme propre et constante sont dépourvus de ces molécules, et celles-là seules qui « ne portent aucun trait de figuration » sont des « matières entièrement brutes ».