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ou de miroir d’âne, que le vulgaire avec quelques nomenclateurs ont données à cette matière cristallisée, n’étant fondées que sur des rapports équivoques ou ridicules, nous préférons avec raison le nom de gypse ; car le talc, aussi bien que le gypse, pourrait être appelé pierre spéculaire, puisque tous deux sont transparents, et la dénomination de miroirs à âne, ou miroir d’âne, n’aurait jamais dû sortir de la plume de nos docteurs.

Le gypse est transparent et s’exfolie, comme le talc, en lames étendues et minces ; il perd de même sa transparence au feu ; mais il en diffère même à l’extérieur, en ce que le talc est plus doux et comme onctueux au toucher ; il en diffère aussi par sa cassure spathique et chatoyante ; il est calcinable et le talc ne l’est pas ; le plus petit degré de feu rend opaque le gypse le plus transparent, et il prend par la calcination plus de blancheur que l’autre plâtre.

De quelque forme que soient les gypses, ce sont toujours des stalactites du plâtre qu’on peut comparer aux spaths des matières calcaires : ces stalactites gypseuses sont composées ou de grandes lames appliquées les unes contre les autres, ou de simples filets posés verticalement les uns sur les autres, ou enfin de grains à facettes irrégulières, réunis latéralement les uns auprès des autres ; mais toutes ces stalactites gypseuses sont transparentes, et par conséquent plus pures que les stalactites communes de la pierre calcaire[1]; et quand je réduis à ces trois formes de lames, de filets et de grains, les cristallisations gypseuses, c’est seulement parce qu’elles se trouvent le plus communément, car je ne prétends pas exclure les autres formes qui ont été ou qui seront remarquées par les observateurs, puisqu’ils trouveront en ce genre, comme je l’ai moi-même observé dans les spaths calcaires, des variétés presque innombrables dans la figure de ces cristallisations, et qu’en général la forme de cristallisation n’est pas un caractère constant, mais plus équivoque et plus variable qu’aucun autre des caractères par lesquels on doit distinguer les minéraux.

Nous pensons qu’on peut réduire à trois classes principales les stalactites transparentes de tous les genres : 1o les cristaux quartzeux, ou cristaux de roche, qui sont les stalactites du genre vitreux, et sont en même temps les plus dures et les plus diaphanes ; 2o les spaths, qui sont les stalactites des matières calcaires, et qui ne sont pas à beaucoup près aussi durs que les cristaux vitreux ; 3o les gypses qui sont les stalactites des matières plâtreuses, et qui sont les plus tendres de toutes. Le degré de feu, qui est nécessaire pour faire perdre la transparence à toutes ces stalactites, paraît proportionnel à leur dureté : il ne faut qu’une chaleur très médiocre pour blanchir le gypse et le rendre opaque ; il en faut une plus grande pour blanchir le spath et le réduire en chaux, et enfin le feu le plus violent de nos fourneaux ne fait que très peu d’impression sur le cristal de roche, et ne le

  1. M. Sage, savant chimiste de l’Académie des sciences, distingue neuf espèces de matières plâtreuses : 1o la terre gypseuse, blanche et friable comme la craie, et qui n’en diffère qu’en ce qu’elle ne fait point effervescence avec les acides ; 2o l’albâtre gypseux qui est susceptible de poli, et qui est ordinairement demi-transparent ; 3o la pierre à plâtre qui n’est point susceptible de poli ; 4o le gypse ou sélénite cunéiforme, appelé aussi pierre spéculaire, miroir d’âne, et vulgairement talc de Montmartre ; 5o le gypse ou sélénite rhomboïdale, dont il a trouvé des morceaux dans une argile rouge et grise de la montagne de Saint-Germain-en-Laye ; 6o le gypse ou sélénite prismatique décaèdre, dont il a vu des morceaux dans l’argile noire de Picardie ; 7o la sélénite basaltine en prismes hexaèdres dans une argile grise de Montmartre ; 8o le gypse ou sélénite lenticulaire, dont les cristaux sont opaques ou demi-transparents, et forment des groupes composés de petites masses orbiculaires renflées dans le milieu, amincies vers les bords ; 9o enfin le gypse ou sélénite striée, composée de fibres blanches, opaques et parallèles, ordinairement brillantes et satinées : on la trouve en Franche-Comté, à la Chine, en Sibérie, et on lui donne communément le nom de gypse de la Chine. Éléments de minéralogie docimastique, nouvelle édition, t. Ier, p. 241 et 242.