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temps dans cette eau des corps de toute espèce : ceux qui seront spongieux ou poreux recevront l’incrustation tant au dehors qu’en dedans, et si la substance animale ou végétale qui sert de moule vient à pourrir, la concrétion qui reste paraît être une vraie pétrification, c’est-à-dire le corps même qui s’est pétrifié, tandis qu’il n’a été qu’incrusté à l’intérieur comme à l’extérieur.





DU MARBRE

Le marbre est une pierre calcaire dure et d’un grain fin[NdÉ 1], souvent colorée et toujours susceptible de poli : il y a, comme dans les autres pierres calcaires, des marbres de première, de seconde et peut-être de troisième formation. Ce que nous avons dit au sujet des carrières parasites suffit pour donner une juste idée de la composition des pierres ou des marbres que ces carrières renferment ; mais les anciens marbres ne sont pas composés, comme les nouveaux, de simples particules pierreuses réduites par l’eau en molécules plus ou moins fines ; ils sont formés, comme les autres pierres anciennes, de débris de pierres encore plus anciennes, et la plupart sont mêlés de coquilles et d’autres productions de la mer ; tous sont posés par bancs horizontaux ou parallèlement inclinés, et ils ne diffèrent des autres pierres calcaires que par les couleurs, car il y a de ces pierres qui sont presque aussi dures, aussi denses et d’un grain aussi fin que les marbres, et auxquelles néanmoins on ne donne pas le nom de marbres, parce qu’elles sont sans couleur décidée, ou plutôt sans diversité de couleurs : au reste, les couleurs, quoique très fortes ou très foncées dans certains marbres, n’en changent point du tout la nature ; elles n’en augmentent sensiblement ni la dureté ni la densité, et n’empêchent pas qu’ils ne se calcinent et se convertissent en chaux, au même degré de feu que les autres pierres dures. Les pierres à grain fin et que l’on peut polir font la nuance entre les pierres communes et les marbres qui tous sont de la même nature que la pierre, puisque tous font effervescence avec les acides, que tous ont la cassure grenue, et que tous peuvent se réduire en chaux. Je dis tous, parce que je n’entends parler ici que des marbres purs, c’est-à-dire de ceux qui ne sont composés que de matière calcaire sans mélange d’argile, de schiste, délavé ou d’autre matière vitreuse ; car ceux qui sont mêlés d’une grande quantité de ces substances hétérogènes ne sont pas de vrais marbres, mais des pierres mi-parties, qu’on doit considérer à part.

Les bancs des marbres anciens ont été formés, comme les autres bancs calcaires, par le mouvement et le dépôt des eaux de la mer, qui a transporté les coquilles et les matières pierreuses, réduites en petit volume, en graviers, en galets, et les a stratifiées les unes sur les autres ; et il paraît que l’établissement local de la plupart de ces bancs de marbre d’ancienne formation a précédé celui des autres bancs de pierre calcaire, parce qu’on les

    pour cela, il les fait tomber d’assez haut sur des lattes de bois placées en travers sur un grand cuveau ; l’eau par cette chute rejaillit en gouttes contre les parois de la cuve, auxquelles sont attachés les modèles et les médailles ; et en peu de temps on les voit couvertes d’une incrustation très fine et très compacte… On peut même colorer ce sédiment pierreux en rouge, en faisant filtrer l’eau qui doit le déposer à travers du bois de Fernambouc ; il faut que cette matière soit bien abondante dans les eaux, puisqu’on assure qu’on a déjà fait par ce moyen des bustes entiers, et que M. le docteur Vegni espère réussir à en faire des statues massives de grandeur humaine. Voyez la note de M. le baron de Dietrich, p. 174 des Lettres de M. Ferber.

  1. C’est du carbonate de chaux hydraté.